A Kyoto, la floraison précoce des cerisiers témoigne du réchauffement du climat

Contempler et apprécier la beauté des cerisiers en fleurs (« sakura »), un rituel appelé « hanami » au Japon, n’est possible qu’au printemps, pendant une période précieuse de trois semaines, entre mars et mai selon les régions de l’Archipel. Cet hanami suscite désormais un engouement bien au-delà du Japon. Aux Etats-Unis, où les cerisiers japonais ont pris racine depuis 1912, les festivals de sakura attirent un public de plus en plus nombreux. Le phénomène est aussi un marqueur de l’évolution du climat. « Ma maman m’a demandé : “Quand les cerisiers fleurissent-ils au Japon ?” J’ai donc trouvé sur Internet 1 200 ans de données pour lui créer un graphique », a récemment raconté sur Twitter Robin Rohwer, depuis Austin, dans le sud des Etats-Unis. La post-doctorante étudie l’écologie microbienne et l’évolution à l’Université du Texas.

Sur un fond du mont Fuji peint à l’encre de Chine, des fleurs en emoji sont incrustées, symbolisant les dates de floraison des cerisiers. Bien que perfectible – la courbe censée représenter l’évolution des plantes ne semble pas assez précise –, cette visualisation de données a été vue des millions de fois et partagée par des milliers de personnes, dont des climatologues, et reproduite avec des précisions et actualisations.

Les données à l’origine de ces visualisations ont été mises à disposition par des chercheurs de l’Université métropolitaine d’Osaka, qui étudient de longue date l’évolution du développement saisonnier du Prunus jamasakura (ou Yamazakura en japonais), une espèce ancienne de cerisier japonais dont la pleine floraison ne dure que de deux à quatre jours par an. Les scientifiques constatent que ces plantes fleurissent de plus en plus tôt. « Cette année, leur floraison a atteint le pic le 25 mars », rapporte Yasuyuki Aono, professeur associé à l’Université métropolitaine d’Osaka. Selon ses recherches, il s’agit de la date la plus précoce jamais enregistrée depuis… mille deux cents ans.

Reconstruire le climat du passé

Même si les stations météorologiques japonaises n’ont commencé à observer la phénologie (la science des cycles végétaux) que depuis un siècle, Yasuyuki Aono et Keiko Kazui, auteurs d’un article important sur l’étude du climat et des cerisiers, ont réussi à construire un ensemble de corpus à partir de l’année 812, en compilant des données d’observation et d’études, et en collectant des informations d’archives anciennes.

« L’objet de notre enquête était les journaux personnels (…) des empereurs, des nobles, des guerriers, des prêtres, des marchands, des médecins, des peintres et des citoyens ordinaires vivant à Kyoto », raconte M. Aono. En effet, à l’Antiquité, les Japonais tenaient des journaux pour y consigner leurs événements quotidiens tels que la météo, l’astronomie ou les programmes des cérémonies traditionnelles. « Nous avons extrait les dates où il y avait des enregistrements de branches de cerisier offertes aux absents lors des fêtes, de poèmes [tanka] composés sur le thème, mais surtout celles des cerisiers en fleurs à plein épanouissement et des fêtes de contemplation », précise-t-il.

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Source : Le Monde.fr

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