La mort du médecin humanitaire japonais Tetsu Nakamura

Le médecin humanitaire japonais Tetsu Nakamura, en avril 2018. 165635+0900 / AP

Des milliers d’Afghans s’étaient rassemblés, jeudi 5 décembre, à Kaboul pour rendre hommage à Tetsu Nakamura, ce médecin japonais qui a consacré sa vie à l’aide humanitaire en Afghanistan. C’est peu dire que l’homme à l’énergie communicative et à l’éternelle moustache était connu dans ce pays où il a perdu la vie, le 4 décembre, à l’âge de 73 ans. Sa voiture a été attaquée sur la route de Jalalabad, dans la province orientale de Nangarhar. Il a été abattu, pour des raisons qui demeurent mystérieuses, tout comme cinq membres de son équipe.

Surnommé « Oncle Mourad » par les Afghans, Tetsu Nakamura est né le 15 septembre 1946 à Fukuoka, dans le sud-ouest du Japon. Diplômé de médecine en 1973, il s’intéresse à l’est de l’Afghanistan et au Pakistan non pour des questions médicales mais par passion pour la haute montagne. Séduit par la région et touché par la gentillesse d’une population démunie de services médicaux, il s’engage en 1984 comme bénévole auprès du Service de coopération médicale chrétienne du Japon et se retrouve à l’hôpital de la Mission de Peshawar, près de la frontière afghane dans le nord-ouest du Pakistan, où il dirige le service de léproserie.

Créateur de la Peshawar-kai

Par la suite, il se démène pour aider les réfugiés fuyant l’Afghanistan envahi par l’Union soviétique en 1979, travaillant aux côtés des moudjahidine, dont il gagne le respect. Au Japon, il écrit des livres et multiplie les interventions qui, selon la biographie publiée par le Ramon Magsaysay Award – prestigieux prix honorant « la grandeur d’esprit et le leadership transformant l’Asie », dont il a été récompensé en 2003 – « confrontent les lecteurs et auditeurs à des images positives de l’islam, allant à l’encontre des stéréotypes ».

L’argent récolté lui permet de créer une organisation, la Peshawar-kai basée à Fukuoka, puis d’ouvrir des hôpitaux, le premier à Peshawar, au Pakistan, qui sert de base arrière aux autres, bâtis dans l’est de l’Afghanistan. Ces installations lui permettent d’offrir des soins bon marché à 150 000 patients chaque année.

En même temps, il apprend le pachtoune. Il estimait que les travailleurs humanitaires étrangers étaient acceptés uniquement s’ils se confrontaient aux habitudes et à la culture locales, sans préjugés, et s’ils mettaient de côté leur propre système de valeurs.

En 2000, conscient des limites de la médecine, il s’intéresse à l’irrigation. « Un médecin traite les patients un à un, mais un tel système aide tout un village, déclarait-il. J’aime voir un village ramené à la vie. » Adaptant d’anciennes techniques japonaises utilisées dans sa région natale et qui nécessitent peu de moyens, il aide les villageois déplacés par la sécheresse à creuser des puits et à construire un réseau de canaux, dont un dans un village d’une vingtaine de kilomètres de long. Rien ne l’arrête, pas même l’enlèvement et le meurtre en 2008 de Kazuya Ito, l’un de ses collègues. Tout le personnel japonais part, sauf lui.

Source : Le Monde.fr

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