Sakae Menda, figure de la lutte contre la peine capitale au Japon, est mort

Sakae Menda, la première personne au Japon à avoir été libérée après trente-quatre ans dans le couloir de la mort, est mort samedi 5 décembre à l’âge de 95 ans. M. Menda s’est éteint de causes naturelles dans une maison de retraite du département de Fukuoka, dans le sud-ouest du Japon.

Né en 1925, M. Menda a été condamné à la peine capitale en 1950 pour le meurtre au couteau et à la hache d’un prêtre bouddhiste et de son épouse, et pour avoir blessé grièvement les deux filles du couple. Le drame s’était déroulé en décembre 1948 à Hitoyoshi, dans son département natal de Kumamoto (sud-ouest).

Arrêté peu après pour un vol de riz, M. Menda, petit paysan analphabète, subit trois semaines de garde à vue sans la possibilité d’avoir l’assistance d’un avocat. Il finit par avouer. Il a par la suite expliqué que ses aveux avaient été obtenus de force et qu’il avait été frappé. « Ce n’était pas une confession. La police a rédigé une déposition et a dit que j’avais dû agir de telle façon », déclarait-il encore en 2018. Les enquêteurs l’auraient forcé à signer cette déposition en disant : « Si vous la signez, vous serez bientôt libéré. »

Pendant son procès, le fait qu’il se proclame innocent et la présentation d’un alibi sont balayés par l’accusation. « Quand j’ai donné mon alibi, le procureur m’a dit : Ne mentez pas. Plus vous mentez, plus le crime est lourd. Dites la vérité et faites pénitence pour votre crime. Vous irez en enfer tant que vous mentirez. »

« Attitude féodale du Japon face à la justice et la démocratie »

Détenu dans le quartier des condamnés à mort, il vit comme les autres, dans un isolement absolu, dans une cellule de 5 m2, non chauffée et éclairée nuit et jour, dans l’attente de son éventuelle exécution. « Chaque fois que les gardiens venaient chercher un condamné, je tremblais. Je m’effondrais quand je découvrais que ce n’était pas mon tour. Je pleure encore quand je me souviens de ces moments », expliquait-il.

De sa prison, il se bat pour faire reconnaître son innocence. Il apprend à écrire et enchaîne les demandes de réexamen de son affaire. La sixième est la bonne. Son dossier est jugé recevable en septembre 1979 au motif que ses aveux ne constituaient pas une preuve fiable. Il est déclaré non coupable en juillet 1983. Au total, quatre-vingts juges se sont penchés sur son affaire.

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Libéré, il consacre ensuite sa vie à aider les personnes voulant être rejugées et à militer, au Japon comme à l’étranger, contre la peine de mort et « l’attitude féodale du Japon face à la justice et la démocratie ». L’Archipel est l’un des rares pays développés à maintenir la peine capitale. Cent dix condamnés sont aujourd’hui dans le couloir de la mort, dont sept femmes. Nobuo Oda y attend son exécution depuis cinquante-quatre ans. Le dernier prisonnier pendu est Wei Wei, un ressortissant chinois exécuté en décembre 2019. « Il y a encore des erreurs judiciaires », regrettait M. Menda, auteur en 2004 de Gokuchu Noto (« Notes de prison », Impact Shuppankai, non traduit).

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Source : Le Monde.fr

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