Une agence japonaise de boys bands rattrapée par le passé de prédateur sexuel de son fondateur

« Un acte désespéré pour assurer sa survie. » C’est peu dire que Ryu Takahashi, ancienne star de la J-pop passée par la puissante agence japonaise de boys bands, Johnny & Associates, dite Johnny’s, n’a pas goûté les excuses formulées, dimanche 14 mai, par Julie Keiko Fujishima. La présidente de l’agence s’exprimait au sujet des accusations d’abus sexuels sur les adolescents recrutés par l’agence, ciblant son fondateur, Johnny Kitagawa (1931-2019) – par ailleurs son oncle.

« Je tiens à présenter mes plus sincères excuses aux personnes qui se disent victimes », a-t-elle déclaré. L’agence prend l’affaire au sérieux, a-t-elle ajouté, précisant qu’un tel comportement était « inacceptable ». Mme Fujishima s’est engagée à mettre en œuvre des mesures pour répondre aux besoins des victimes, mais ne s’est pas prononcée sur les faits et a refusé l’idée d’une enquête.

« Il y a des rumeurs persistantes. Il n’est pas logique qu’une personne, qui a été directrice de l’agence et a succédé à M. Kitagawa à la présidence, dise qu’elle n’était pas au courant. Je crois que l’agence veut juste enterrer l’affaire », regrette M. Takahashi, 31 ans, dans le quotidien de centre gauche, Asahi. Lui-même, quand il avait 16 ans, a été victime d’attouchements de la part de M. Kitagawa.

Flux constant de groupes

Le scandale menace une véritable institution de la J-pop, omniprésente dans le divertissement japonais depuis les années 1960. Né en 1931 aux Etats-Unis, Johnny Kitagawa, de son vrai nom John Hiromu Kitagawa, a connu le succès, en 1967, avec son deuxième boys band, les Four Leaves. Il a ensuite développé le concept de boys band composé de jeunes recrutés dès l’adolescence et formés dans son académie. Il a enchaîné les réussites avec un flux constant de groupes comme SMAP, Arashi et Tokio. Johnny & Associates est surnommée « l’usine des hommes charmants ».

Le succès n’a jamais été menacé par les rumeurs récurrentes sur son comportement vis-à-vis de ses jeunes recrues. En 1988, le problème était signalé par un ancien membre des Four Leaves au moment de la publication de ses journaux intimes. En 1996, Junya Hiramoto, ancien de Johnny’s, révélait avoir vu le dirigeant violer un garçon dans un dortoir de l’agence.

L’affaire a pris une tournure plus grave quand, en 1999, l’hebdomadaire Shukan Bunshun a publié les témoignages de douze adolescents qui parlaient d’abus sexuels, dont des viols, perpétrés par M. Kitagawa.

Le dirigeant avait alors nié les faits et engagé une action en justice pour diffamation. Son avocat le disait victime de rumeurs propagées par d’anciens stagiaires qui n’avaient pas suffisamment de talent pour réussir. Le procès s’est terminé en 2004 devant la Haute Cour de Tokyo qui a reconnu des « éléments de vérité » dans les articles du Shukan Bunshun.

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Source : Le Monde.fr

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