Vaccins Moderna au Japon : ce que l’on sait des particules étrangères trouvées dans les doses de la firme américaine

La suspension préventive de millions de doses de Moderna au Japon après la découverte de corps étrangers encore non identifiés suscite interrogations, inquiétudes et rumeurs. Alors que l’origine et la nocivité de ces particules ne sont pas précisément connues, et que la France n’est a priori pas concernée, les Décodeurs font le point.

  • Que s’est-il passé ?

Le 16 août, le groupe pharmaceutique japonais Takeda, qui importe et distribue dans l’Archipel le vaccin du groupe américain Moderna, a été notifié de la découverte de « matières étrangères » dans 39 flacons, issus d’un lot de 57 000 bouteilles, soit l’équivalent d’environ 570 000 doses.

Le 26 août, après la découverte de matières étrangères dans deux autres lots, le Japon suspend à titre préventif l’administration de trois lots complets de Moderna, soit l’équivalent de 1,63 million de doses.

Durant le week-end qui suit, deux hommes – respectivement âgés de 30 et 38 ans – meurent après avoir reçu une deuxième dose du vaccin de Moderna provenant de l’un de ces trois lots, qui entre-temps ont été suspendus. Un million supplémentaire de flacons sont suspendus le 30 août.

  • Quelle est la nature de ces « corps étrangers » ?

Ceux-ci prennent différentes formes, le plus souvent celle d’une substance noire, plus rarement rose. « Elles sont beaucoup plus petites que des graines de sésame – moins d’un millimètre. Elles ressemblaient à des tranches de quelque chose et flottaient dans la bouteille quand je l’ai secouée », relate Ishii Koki, un préparateur de la préfecture de Saitama cité par la chaîne nationale NHK, qui en a trouvé dans un flacon.

Le ministère de la santé estime que certaines matières sont « probablement métalliques », car elles réagissent en présence d’un aimant, mais leur nature n’a pas encore été officiellement communiquée, une enquête étant en cours. Il n’existe, à ce stade, aucune preuve qu’il s’agisse de graphène, un élément conducteur en carbone pur très prisé depuis les années 2010 dans l’industrie et qui a fait l’objet durant l’été de nombreuses vidéos détournées et rumeurs infondées.

Tous les corps étrangers découverts n’ont pas la même origine. Dans certains cas, comme à Okinawa, des aiguilles mal insérées dans des flacons ont pu briser des morceaux du bouchon en caoutchouc, a déclaré le 31 août le ministre de la santé japonais, Norihisa Tamura.

  • D’où proviennent les particules « probablement métalliques » ?

Le laboratoire Moderna penche pour la piste d’un défaut de fabrication. Les particules auraient accidentellement pénétré les fioles durant leur conditionnement dans l’usine madrilène de Rovi, la firme pharmaceutique espagnole à qui le groupe américain sous-traite une grande partie de la production de ses vaccins. La société espagnole a aussitôt annoncé le lancement d’une enquête interne. Son cours en Bourse a perdu 30 % de sa valeur en trois jours.

  • Tous les lots du vaccin de Moderna sont-ils concernés ?

En l’état actuel des connaissances, non. Tous les cas répertoriés viennent du Japon. L’entreprise espagnole Rovi, qui conditionne les vaccins de Moderna pour les territoires autres que les Etats-Unis, confirme que les lots concernés sont « exclusivement destinés au Japon », selon une déclaration citée par le journal économique local Capital Madrid. La Corée du Sud a de son côté fait savoir qu’elle n’était pas concernée par le problème.

  • Quelles sont les conséquences sur la santé ?

Elles sont inconnues. Deux trentenaires vaccinés avec un des lots contaminés sont morts, sans qu’un lien formel ne soit établi, une enquête devant être menée. Il n’y a pas eu de preuve de la présence de contaminants dans les doses, a déclaré le ministère de la santé. « Il est peu probable, à mon avis, que la contamination par des substances étrangères ait conduit directement à des morts soudaines », estime Takahiro Kinoshita, médecin et vice-président de Cov-Navi, un groupe d’information sur les vaccins, cité par Reuters, tout en rappelant que des investigations supplémentaires étaient « absolument nécessaires » pour évaluer leur nocivité.

Au Japon, où les cas de Covid-19 flambent depuis les Jeux olympiques, 46 % seulement de la population est vaccinée, selon les chiffres du gouvernement. Le vaccin à ARN messager de Moderna fait partie des trois produits utilisés, aux côtés de ceux de Pfizer-BioNTech et d’AstraZeneca.

Au 8 août, 991 personnes étaient mortes au Japon après avoir reçu des injections de Pfizer-BioNTech, et 11 après avoir reçu celles de Moderna. Aucun lien de causalité n’a été établi entre les injections et les décès, selon le ministère de la santé. Environ 500 000 personnes ont reçu des injections provenant des trois premiers lots suspendus de Moderna, selon le ministre chargé de la campagne de vaccination.

  • Ces particules rendent-elles magnétiques ?

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont vu dans cette découverte la preuve et l’explication au supposé magnétisme des personnes vaccinées contre le Covid-19. Mais cette thèse tient difficilement debout : des particules de moins d’un millimètre ne peuvent avoir une puissance d’attraction suffisante pour attirer un objet à travers la peau. « Pour que ça colle, il faudrait qu’il y ait quelque chose de fortement aimantable dans l’épaule, une pièce en fer, un objet un peu solide, plutôt gros », du reste impossible à injecter, expliquait au Monde en juin Kamil Fadel, responsable de l’unité physique au Palais des découvertes.

Lire aussi « Magnet challenge » : comment expliquer que des aimants collent à la peau (avec ou sans vaccin)

Source : Le Monde.fr

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