« Okinawa Cinderella Blues », joué les 4 et 5 mai au théâtre Nahart (Naha, Okinawa).  « Okinawa Cinderella Blues », joué les 4 et 5 mai au théâtre Nahart (Naha, Okinawa).

« Je ne suis pas japonais ? je ne suis pas américain ? » La question taraude les neuf personnages de 9nin mayoeru uchinanchu, (« Neuf Okinawaiens en plein doute »), jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, enseignants ou agriculteurs, réunis pour discuter de la rétrocession d’Okinawa (archipel comprenant plus de 150 îles dans la mer de Chine orientale) par les Américains au Japon, dont le 50anniversaire doit être célébré dimanche 15 mai.

L’auteur, Gakuji Awa, a choisi de jouer avec le temps. Les mêmes personnages débattent en 1972, à la veille de la rétrocession, et aujourd’hui, plusieurs décennies plus tard : « Un bon moyen de voir que peu de choses ont changé, que les espoirs ont été déçus. » Ce constat transparaît dans les trois pièces – dont celle de Gakuji Awa, jouée par la compagnie Otonadan – présentées début mai au Nahart, centre culturel public inauguré en octobre 2021 au cœur de Naha, la capitale d’Okinawa. Le festival invite à s’interroger sur « ce qu’est la véritable paix » et « ce qu’est Okinawa ».

Autrefois royaume des Ryukyu, prospère grâce à ses échanges avec l’Asie du Sud-Est, la Chine et le Japon, le territoire est devenu Okinawa après son annexion par Tokyo en 1872. Après avoir subi un effacement de sa culture, le petit archipel a vécu au printemps 1945 la plus violentes des batailles de la guerre du Pacifique, puis une humiliante occupation américaine jusqu’en 1972. La rétrocession portait l’espoir du départ des Américains. Le premier gouverneur après ce retour au Japon, Shobyo Yara (1902-1997), rêvait de faire d’Okinawa « La Mecque de la paix ». Aujourd’hui, le département concentre pourtant 70 % des bases américaines au Japon alors qu’il ne représente que 0,6 % du territoire nippon, et se trouve en première ligne de la rivalité entre Américains et Chinois.

Facteur de division

Le théâtre s’est déjà emparé de la bataille d’Okinawa. La compagnie Higa-za explore ce drame avec des créations entièrement réalisées en uchinaaguchi, la langue locale. La rétrocession apparaît toutefois comme un sujet plus ambigu, non dénué d’une nostalgie qui transparaît dans 72 Raida, des retrouvailles de motards quinquagénaires, présenté par la compagnie O.Z.E au Nahart. Dans 9nin mayoeru uchinanchu, les personnages rappellent le temps de l’occupation américaine, marquée par l’obligation d’un passeport pour aller au Japon, les trafics de cigarettes ou la monnaie spéciale « B yen ».

Le retour au Japon reste toutefois facteur de division dans la société okinawaienne. « Des gens qui le soutenaient le regrettent aujourd’hui », note Syouichi Toyama, metteur en scène de 9nin mayoeru uchinanchu. « Beaucoup d’espoirs ont été déçus, notamment pour la paix car l’identité d’Okinawa reste imprégnée de pacifisme, en contradiction totale avec l’idée des bases militaires américaines », ajoute Akihito Arai.

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Source : Le Monde.fr

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