Un moine bouddhiste se balance avec un marteau pour frapper une énorme cloche lors d’une répétition pour la sonnerie du Nouvel An au temple Chion-in, à Kyoto, dans l’ouest du Japon, mardi 27 décembre 2005. Un moine bouddhiste se balance avec un marteau pour frapper une énorme cloche lors d’une répétition pour la sonnerie du Nouvel An au temple Chion-in, à Kyoto, dans l’ouest du Japon, mardi 27 décembre 2005.

Le Français Clément Sans est récemment devenu moine zen, ordonné sous le nom de Tozan (« la montagne du pêcher »). Chaque mois, il nous envoie une lettre qui nous fait partager ses réflexions et son quotidien singulier, presque hors du temps. Après deux ans passés au temple Antai-ji, dans les montagnes de l’île Honshu, il poursuit désormais sa pratique à Kyoto, l’ancienne capitale impériale du Japon.

Lettre de janvier. Kyoto se tient sur le seuil de l’an 5 de l’ère Reiwa. Au Japon, le Nouvel An invite au renouveau, au nettoyage, les esprits (« kami ») devant toujours être accueillis dans de bonnes conditions. Les salariés participent donc au O-Soji, le grand ménage annuel des locaux d’entreprise. A la maison, tout est brossé du sol au plafond, et les dettes faites aux boutiques du quartier sont régularisées.

Avant les trois premiers jours de janvier, où les supermarchés et les restaurants ferment presque tous, les frigidaires se remplissent de ces petites préparations servies froides et mangées en famille, allant des œufs de poisson aux haricots noirs mijotés dans le sucre et la sauce soja.

Avec les cérémonies d’été consacrées aux esprits des morts, le Nouvel An est pour les habitants de l’archipel la fête la plus importante de l’année. Traditionnellement, une fois le ménage terminé et un bol de pâtes de sarrasin englouti, les Japonais se pressent vers leur temple de rattachement, environ deux heures avant minuit.

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Jeunes et anciens viennent assister à un court sermon bouddhiste visant à exprimer la gratitude pour l’année passée et l’espoir pour l’année future. Puis, sans rien dire, les fidèles se regroupent à l’avant du temple, autour de la bonsho, l’énorme cloche principale. C’est le célèbre rituel de « Joya no Kane ».

Face au temple, bien ordonnés en file indienne, les fidèles assistés d’un moine novice sonnent donc chacun leur tour la lourde cloche. D’un bruit profond, cette dernière devra retentir un minimum de 108 fois, comme autant de désirs et d’obstacles mondains dont il faudra se nettoyer pour se jeter dans l’année avec l’énergie du renouveau. Un rafraîchissement du cœur, un désencombrement de l’esprit.

Il est souvent dit que le bouddhisme est une religion de la résonance, de l’écoute des sons du monde. Les textes classiques utilisent à foison l’image de la radiation pour évoquer l’enseignement du Bouddha, comme une vibration invisible travaillant la vie vers la libération des êtres.

Un religieux fluide

Dans le bouddhisme médiéval, les textes sacrés étaient enterrés dans les montagnes entourant Kyoto afin qu’ils diffusent l’enseignement au milieu des arbres et du vent. Les cloches, elles aussi, évoquent cette voix du Bouddha priant pour les êtres, sorte de louange vers la vacuité des choses.

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Source : Le Monde.fr

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