Devant un restaurant fermé, à Tokyo, le 12 mai.
Devant un restaurant fermé, à Tokyo, le 12 mai. KIM KYUNG-HOON / REUTERS

Le découragement se sent dans la voix de cet homme de 26 ans, employé à temps partiel dans une chaîne de magasins de produits électroniques, interrogé par la chaîne de télévision nationale NHK et dont le visage est brouillé. Il a postulé pour une trentaine d’emplois. Sans réponses, il passe des journées sur Internet. « Le boulot qu’on trouve, c’est pour participer à des extorsions de fonds par téléphone dont les victimes sont des personnes âgées », raconte-t-il. Ces escroqueries – demandes d’argent d’un « fils » en « graves difficultés », proposition de désinfection du logement – se multiplient depuis la proclamation de l’état d’urgence.

Le jeune chômeur dort dans des cybercafés ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et relativement confortables pour y passer la nuit. En 2018, plus de 4 000 personnes à Tokyo y logeaient car ils sont meilleur marché qu’un hôtel. Pour l’instant, il peut payer. « Après, c’est simple, ce sera la rue », affirme-t-il. De toute façon, les cybercafés ont été invités à fermer en raison de la promiscuité qui y règne. Dès lors, il rejoindra l’armée en déroute des sans-abri qui bivouaquent dans les parcs. Leur nombre augmente déjà sensiblement, rapportent des organisations qui leur distribuent de la nourriture.

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Dans un pays où les personnes vivant sous le seuil de pauvreté (disposant de la moitié du revenu médian, selon les critères de l’OCDE) représentent 15 % de la population, un taux élevé par rapport à la richesse nationale et aux autres pays avancés, la question de la pauvreté longtemps invisible ou pudiquement occultée risque de ressurgir sous l’effet de l’épidémie.

Etat d’urgence prolongé

Depuis la mi-février, les queues s’allongent devant les agences pour l’emploi. Ce ne sont pas uniquement des chômeurs. Des patrons de petits commerces, de restaurants ou de PME attendent aussi pour remplir les formulaires leur permettant de grappiller les indemnités débloquées pour le maintien de l’emploi. L’Etat prend en charge les quatre cinquièmes des salaires des employés des entreprises qui ont cotisé à l’assurance-chômage. En raison de la multiplication des documents à fournir, la procédure traîne : selon le ministère de la santé et du travail, depuis le 14 février, sur 190 000 demandes qui ont été déposées pour obtenir cette prise en charge, 2 500 ont été examinées et 300 acceptées.

Le gouvernement a décrété la prolongation de l’état d’urgence jusqu’à la fin mai. Des centaines de petites entreprises ont fermé et des dizaines de milliers de personnes sont sans travail. L’épidémie accuse les inégalités sociales d’un Japon riche où la précarité sans couverture sociale adéquate est cependant le lot de beaucoup.

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Source : Le Monde.fr

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