En incitant les médias étrangers à écrire le nom avant le prénom des personnalités nipponnes, le gouvernement veut rompre avec « le rejet de l’Asie » des années 1880.

Par Publié aujourd’hui à 02h45

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Dans les rues d’Osaka, un poster du premier ministre japonais, Shinzo Abe, le 26 juin.
Dans les rues d’Osaka, un poster du premier ministre japonais, Shinzo Abe, le 26 juin. JORGE SILVA / REUTERS

LETTRE DE TOKYO

Shinzo Abe ou Abe Shinzo ? Le nom du premier ministre japonais – et de ses concitoyens – doit-il être écrit dans les médias étrangers en respectant l’ordre nippon (le nom précédant le prénom) ou dans le sens inverse afin de se conformer à l’usage occidental, comme c’est le cas jusqu’à présent ?

L’Archipel semble soudain saisi d’un prurit identitaire sur l’ordre des noms propres provoqué apparemment par la prise de conscience chez ses dirigeants d’une singularité peu conforme au multiculturalisme dans l’air du temps : leur pays est le seul en Asie orientale à suivre l’ordre occidental.

Confusions

Au cours d’une conférence de presse, le 21 mai, le ministre japonais des affaires étrangères, Taro Kono, a appelé les médias étrangers à respecter l’usage nippon.

L’entrée dans une nouvelle ère impériale à la suite de l’avènement, début mai, de l’empereur Naruhito ainsi que les Jeux olympiques (JO) de 2020 seraient, selon M. Kono, une bonne occasion pour revenir à l’ordre japonais. « Les médias étrangers désignent le président chinois Xi Jinping ou son homologue sud-coréen Moon Jae-in en respectant l’ordre traditionnel. Pourquoi pas dans le cas de M. Abe ? »

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Certes. Mais ce n’est pas sous la contrainte (par exemple l’occupation américaine au lendemain de la défaite de 1945) qu’a été introduit l’usage de l’ordre occidental pour les noms propres nippons dans les publications destinées aux étrangers : ce sont les Japonais eux-mêmes qui sont à l’origine de cet usage et ce depuis plus d’un siècle et demi. L’Etat donnant l’exemple, suivi par les médias du pays publiés en anglais.

Dans sa frénésie de paraître civilisé aux yeux des puissances occidentales et de se moderniser pour leur résister, le Japon de l’ère Meiji (1868-1912) a adopté (et adapté) institutions, technologies et modes de pensée occidentales.

Sur cette lancée, s’est peu à peu imposé l’ordre des noms propres japonais suivant l’usage occidental dans les publications destinées aux étrangers. Ce qui ne fut pas le cas – et ne l’est toujours pas – en Chine ou en Corée dont les noms propres sont écrits dans les textes en langues étrangères dans l’ordre traditionnel à ces pays.

L’usage occidental pour écrire les noms japonais peut conduire à des confusions : sur les cartes de visite des étrangers, le nom transcrit en syllabaire japonais ou en idéogrammes est écrit dans l’ordre local mais au verso en alphabet occidental et dans le sens inverse… Aussi des Japonais peu internationalisés peuvent-ils hésiter sur le patronyme. Sur les pièces d’identité des étrangers, l’ordre du nom et du prénom suit en revanche l’usage local. C’est aussi le cas des travaux académiques sur l’Archipel en langues occidentales.

Source : Le Monde.fr

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