Karyn Nishimura-Poupée vit au Japon, où elle est journaliste et correspondante pour l’Agence France Presse depuis quinze ans. Elle a répondu aux questions de Courrier international sur l’avenir du travail dans l’Archipel.

Comment le Japon compte-t-il faire face à son déclin démographique ?

Il ne compte pas vraiment y faire face, en fait, si on veut répondre le plus simplement possible. Il se dit quasiment que c’est une fatalité, maintenant, que la population va décliner et passer au-dessous des 100 millions.

Actuellement, les seniors sont encore très nombreux sur le marché du travail. Pourquoi et quels sont les facteurs qui les y poussent ?

Il y a au Japon, depuis les années 1970, une politique qui consiste à repousser de plus en plus l’âge du départ du travail, de 60 à 65 ans aujourd’hui, sur une base plutôt volontaire, à la fois de la part des entreprises et des travailleurs. Par exemple, quand quelqu’un arrive à 60 ans, on lui propose de continuer jusqu’à 65 ans avec un nouveau contrat stipulant un salaire un peu moindre, mais des contraintes réduites. Et cette base volontaire se transforme peu à peu en obligation.

Cette politique a plutôt bien fonctionné. Elle a démarré lentement, mais toutes les entreprises ont fini par proposer cette solution à leurs salariés âgés.

Est-ce que les jeunes peuvent, et veulent, prendre la relève ?

Ils n’y arriveront pas. Les jeunes ne sont ni assez nombreux ni même capables de remplacer poste pour poste les vieux qui partent. Généralement, au Japon, la progression dans la hiérarchie de l’entreprise se fait encore en fonction de l’âge. C’est très bloquant, et même décourageant pour les jeunes quand ils arrivent dans une société. Les deux premières années, on leur confie des tâches qui sont vraiment des tâches de débutants.

Quand vous évoquez les jeunes, vous parlez des jeunes hommes ou aussi des jeunes femmes ?

C’est vrai qu’il faut différencier les deux. Au Japon, une femme qui devient mère va souvent rester en dehors du marché du travail, dans le meilleur des cas, pour une durée de un à trois ans et, dans le pire des cas, pendant dix ou quinze ans. Dans la période de pénurie actuelle, c’est un facteur très handicapant. Néanmoins, dans les jeunes générations, parce que le seul salaire des hommes ne suffit plus à subvenir aux besoins des familles complètes, les femmes ont intérêt à travailler.

Pour travailler demain sur qui peut-on compter ? Les migrants, les robots ?

Il va effectivement falloir trouver des solutions pour le déficit de main-d’œuvre dans certains secteurs. On a déjà une politique, qui est apparue l’année dernière. Il s’agit de l’instauration de visas pour accueillir des travailleurs peu qualifiés, pour l’agriculture, le BTP, le soin aux personnes.

Source : Le Monde.fr

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