Des Japonais manifestent devant le Parlement, à Tokyo, le 31 août 2022, contre l’organisation de funérailles nationales pour l’ancien premier ministre Shinzo Abe, assassiné en juillet.

Depuis l’assassinat, le 8 juillet, de l’ex-premier ministre japonais Shinzo Abe, ciblé pour sa proximité avec la secte Moon, et dont les funérailles nationales doivent se tenir mardi 27 septembre, les langues se délient. Les révélations sur les accointances d’élus avec la « Fédération des familles pour la paix mondiale et l’unification », plus connue sous le nom secte Moon, se multiplient. Ses victimes, dépouillées de leurs économies, sont davantage entendues. Le gouvernement a créé à leur intention, début septembre, un service de conseil téléphonique, qui, en cinq jours, a reçu un millier d’appels.

Au cours d’une conférence de presse du Réseau national des avocats opposés au commerce spirituel – une association d’avocats de défense des victimes des sectes –, une femme d’une quarantaine d’années, qui fut poussée par sa mère à adhérer à la secte Moon, a déclaré : « L’assassinat de Shinzo Abe est condamnable, mais je peux comprendre la haine que la secte suscite chez certains, car elle brise des vies. »

« J’ai adhéré à 19 ans à la secte, racontait un autre ancien adepte, dont le témoignage anonyme a été diffusé par le réseau d’avocats. J’ai travaillé dur, fait des dons considérables. Même si je la quitte, je ne récupérerai jamais mon argent ni le temps perdu. Je me sens vidé. J’ai envie de disparaître. »

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Tetsuya Yamagami, l’assassin de l’ancien premier ministre, a agi par vengeance contre la secte à laquelle sa mère, veuve, avait fait des dons se chiffrant à 100 millions de yens (720 000 euros), ruinant ainsi sa famille. Lui-même n’a pas pu aller à l’université en raison de la banqueroute familiale. Selon le réseau d’avocats, au cours des dix dernières années, près de 2 000 personnes vivant au Japon ont porté plainte pour l’achat à des prix exorbitants d’objets de culte pour un total estimé à 83 millions d’euros.

Laxisme étatique

L’assassinat de Shinzo Abe révèle les dessous d’une société calme en surface mais travaillée par des phénomènes inquiétants. Notamment la complaisance du camp conservateur envers les « nouvelles religions », pour capter les voix de leurs adeptes, encourageant un laxisme étatique sur les dérives sectaires de certaines d’entre elles. La dénomination « nouvelles religions » telle qu’elle est utilisée au Japon (shinshukyo) désigne des mouvements fondés depuis la fin du XIXsiècle qui se distinguent des religions traditionnelles (bouddhisme, shintoïsme, christianisme).

M. Abe n’était pas le seul à entretenir des liens avec la secte Moon, mais il était le plus en vue. Aussi, l’organisation d’obsèques nationales en son honneur, décidées par le premier ministre actuel, Fumio Kishida, et l’aréopage du Parti libéral-démocrate (PLD), a-t-elle suscité un vif mécontentement dans l’opinion : 60 % des Japonais y sont opposés. Selon l’agence Jiji Press et le quotidien Mainichi Shinbun, la popularité de M. Kishida frôle les 30 % dans l’opinion, un niveau considéré comme une cote d’alerte. D’autres sondages se montrent moins alarmants mais confirment le déclin de sa réputation, lié aussi à la hausse des prix.

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Source : Le Monde.fr

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