Greg Kelly, ex-bras droit de Carlos Ghosn chez Nissan et Renault, à son arrivée au tribunal de Tokyo, mardi 15 septembre.

Greg Kelly, ancien collaborateur de Carlos Ghosn chez Nissan accusé comme lui de malversations financières, a plaidé, mardi 15 septembre, non coupable à l’ouverture de son procès à Tokyo, où il comparaît sans son ancien patron, en fuite au Liban.

« Je pense que les éléments attesteront que je n’ai pas violé les règles » boursières japonaises, a notamment déclaré M. Kelly à l’ouverture du procès, le jour de son 64e anniversaire. Il était arrivé peu avant au tribunal accompagné de trois de ses avocats, portant un masque et un costume gris anthracite.

Son procès doit durer environ dix mois et intervient près de deux ans après son arrestation au Japon, qui avait eu lieu le même jour que celle de M. Ghosn. L’ancien grand patron de Renault et Nissan ayant échappé à la justice japonaise, M. Kelly se retrouve en première ligne dans ce procès, au côté du groupe japonais, poursuivi en tant que personne morale. Un représentant de Nissan a confirmé mardi au procès que le groupe allait plaider coupable.

M. Kelly et Nissan sont accusés d’avoir illégalement et sciemment omis de mentionner dans les rapports boursiers annuels du constructeur automobile de 2010 à 2018 une rémunération totale d’environ 9,2 milliards de yens (73 millions d’euros) que M. Ghosn était censé toucher plus tard.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Réfugié au Liban, Carlos Ghosn refuse de répondre à la police française

« Dirigeant extraordinaire »

« Je nie les accusations. Je n’ai pas participé à une conspiration criminelle », a insisté mardi M. Kelly. Il a reconnu avoir travaillé avec d’autres personnes, en interne comme en externe, sur une façon « légale » de rémunérer davantage M. Ghosn à partir de 2010, pour le dissuader de rejoindre une autre entreprise où il aurait été mieux payé.

Il était dans l’intérêt de Nissan à l’époque de retenir ce « dirigeant extraordinaire » qui avait sauvé le groupe de la faillite et qui « protégeait farouchement son indépendance » vis-à-vis de Renault, a-t-il insisté.

Début 2020, lors de sa première apparition publique à Beyrouth après sa fuite du Japon, M. Ghosn avait réaffirmé avoir été victime d’un « coup monté » de certains responsables de Nissan, qui souhaitaient le faire tomber pour éviter qu’il ne rende l’alliance Renault-Nissan « irréversible », sans pour autant aller jusqu’à fusionner les deux sociétés.

M. Kelly avait été libéré sous caution à Noël 2018, après plus d’un mois de détention provisoire, mais avec l’interdiction de quitter le Japon dans l’attente de son jugement. Il encourt jusqu’à dix ans de prison.

Nissan et le parquet assurent avoir accumulé des preuves selon lesquelles ces paiements futurs avaient été garantis à M. Ghosn. Ils auraient donc dû être déclarés dans les rapports du constructeur automobile, en vertu des règles boursières japonaises.

Les enquêteurs ont amassé une somme astronomique de documents dans ce dossier. La défense de M. Kelly se plaint toutefois de n’avoir eu accès qu’à une fraction de ces pièces.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dans la foulée du Brexit, Nissan s’interroge sur son avenir en Europe

Pas confiance dans le système judiciaire japonais

Autre désavantage de taille : « Des témoins étrangers très utiles pour M. Kelly n’ont pas confiance dans le système judiciaire japonais », craignant de tomber dans un piège et d’être arrêtés dès leur arrivée au Japon, comme M. Kelly fin 2018, a récemment déploré l’un de ses avocats, James Wareham, interrogé par l’AFP. « Ils ont peur. Ils ne viendront pas témoigner au Japon », a-t-il ajouté.

Le parquet et le tribunal ont par ailleurs rejeté la demande du camp Kelly d’autoriser des témoins à être auditionnés hors du Japon par vidéoconférence. La requête de M. Kelly de pouvoir bénéficier d’une traduction simultanée des débats d’audience a également été refusée. Le choix imposé d’une interprétation consécutive a pour effet d’allonger considérablement la longueur du procès, selon sa défense.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’empire souterrain de Carlos Ghosn

Nissan a déjà accepté fin 2019 de payer une amende de 2,4 milliards de yens (près de 20 millions d’euros) à l’Agence japonaise des services financiers (FSA) pour avoir omis de mentionner les paiements différés de M. Ghosn. Le constructeur japonais a aussi déjà accepté de payer 15 millions de dollars aux Etats-Unis (12,5 millions d’euros) dans un accord à l’amiable avec les autorités américaines sur le même dossier.

M. Ghosn, qui comme M. Kelly clame son innocence sur toute la ligne, avait accepté de payer 1 million de dollars aux mêmes autorités américaines pour éviter d’être poursuivi aux Etats-Unis sur ce même volet de l’affaire. M. Kelly avait pour sa part accepté de payer une amende de 100 000 dollars.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Les liens Renault-Nissan n’ont jamais été aussi solides »

Le Monde avec AFP

Source : Le Monde.fr

Partagez !

Laisser un commentaire