Kazuo Inamori, à Tokyo, le 18 octobre 2004. Kazuo Inamori, à Tokyo, le 18 octobre 2004.

Il est d’autres industriels que ceux qui naissent avec une cuillère en argent dans la bouche, gavent leurs actionnaires et côtoient le pouvoir politique. Tel était le message de Kazuo Inamori, industriel japonais de la haute technologie et moine bouddhiste, exprimé dans de nombreux ouvrages traduits en 21 langues et tirés à 19 millions d’exemplaires. Il est décédé à Kyoto, le 24 août, à l’âge de 90 ans.

Né le 30 janvier 1932 à Kagoshima, à la pointe sud du Japon, loin de Tokyo, il venait non seulement d’une famille nombreuse dont la maison avait été détruite par un raid aérien américain, mais il n’avait pu faire sa scolarité que grâce à une bourse, et en fabriquant et vendant des sacs en papier. La force du Japon d’alors était aussi dans ses petites universités. Il passa une licence de chimie appliquée à Kagoshima, où son goût de la science et des machines s’épanouit.

Il parvint à décrocher un poste à Kyoto, comme chercheur dans une moyenne entreprise de céramique pour l’industrie. Mais ses réussites en produits et brevets ne lui valurent pas la reconnaissance de la direction : au bout de quatre ans, en 1959, il claqua la porte avec sept collègues et fonda avec eux, à 27 ans, Kyoto Ceramic, bientôt abrégé en Kyocera. Cette start-up grandit en mettant peu à peu au point quelques principes très neufs : des projets mûris obstinément dans le rêve et la discussion ; l’innovation répétée aboutissant à des produits sans équivalent ; le refus des préceptes usuels d’un management centralisé au profit d’une organisation en petites cellules responsables de leurs achats et de leurs profits, mesurés de façon homogène ; le rejet d’un client unique et japonais au profit d’une clientèle variée et internationale, d’abord américaine ; enfin, le refus de placer ses bénéfices dans l’achat de terrains, comme le lui conseillait son banquier, et un investissement continu dans les usines et les équipements.

Gestion innovante et éthique

Soucieux d’éviter la dépendance aux semi-conducteurs, Inamori diversifia ses produits vers les cellules photovoltaïques, les outils de coupe et les biocéramiques, puis, par des fusions et acquisitions, vers les ordinateurs portables et leurs périphériques, enfin vers les télécommunications. Il était désormais à la tête d’une multinationale cotée en Bourse au Japon et à New York, avec, de manière tout aussi inusitée, quatre Américains dans son conseil.

Chercher des marchés nouveaux où tout était à inventer en sortant de sa zone de confort fut au cœur de la seconde partie de sa carrière. En 1984, lorsque le Japon, sous la poussée américaine, dérégula son marché du téléphone fixe longue distance, il rassembla 225 entreprises pour créer DDI, un rival privé au monopole public, et choisit les micro-ondes pour bâtir un réseau concurrent. En 1994, lors de la dérégulation du marché du téléphone portable, DDI y entra, puis constitua une autre alliance : en 2000, KDDI devint vite le second opérateur de mobiles au Japon.

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Source : Le Monde.fr

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