Le renoncement du Japon à sa stricte posture défensive pour se doter de moyens de « contre-attaquer » face aux menaces représentées par la Corée du Nord, la Chine et la Russie passe mal dans la péninsule coréenne, où le souvenir du militarisme nippon reste vif.

Première cible de cette nouvelle volonté annoncée le 16 décembre par Tokyo, la Corée du Nord a vilipendé, mardi 20, une stratégie de défense accusée d’alimenter une « nouvelle politique d’agression » justifiée par ce que Pyongyang présente pourtant comme « l’exercice légitime du droit à l’autodéfense » du Nord.

Pour la Corée du Nord, la nouvelle donne représente un « changement radical » de l’environnement sécuritaire en Asie de l’Est. Les autorités reprochent aux Etats-Unis d’« encourager le projet de réarmement et d’une nouvelle invasion du Japon ».

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Sans être aussi virulentes, les réactions en Corée du Sud témoignent d’une inquiétude réelle après les annonces par le Japon de se doter de moyens de frapper les sites en territoire ennemi qui représenteraient une menace potentielle et de porter son budget de la défense à 2 % du produit intérieur brut, contre 1 % aujourd’hui. « Cela signifie que [le Japon] cherche à devenir un pays capable de mener une guerre », estime Lim O-kyeong, députée et porte-parole du principal parti d’opposition, le Parti démocrate. « Le Japon poursuit son ambition de devenir une superpuissance militaire à la hauteur de son statut de troisième économie mondiale, pour réaliser le rêve de sa frange la plus droitière, dont faisait partie l’ancien premier ministre Shinzo Abe [2012-2020] », s’inquiète même le quotidien Dong-A, pourtant conservateur et réputé modéré dans ses critiques à l’égard des autorités de l’archipel.

Passé colonialiste et militariste

La majorité des commentateurs admet certes la nécessité d’une coopération avec le Japon et les Etats-Unis – qui ont salué la décision japonaise – face à une Corée du Nord qui a enchaîné les tirs de missile en 2022 ; l’un d’entre eux a même survolé le territoire japonais en octobre. Mais tous s’interrogent sur l’attitude à venir d’un voisin au passé colonialiste et militariste encore présent dans les esprits. « Le Japon a une sombre histoire : il a envahi la péninsule coréenne à de multiples reprises et a tué beaucoup d’innocents pendant la seconde guerre mondiale », rappelle, dans son éditorial du 19 décembre, le quotidien The Korea Herald.

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Dans le journal de centre gauche Hankyoreh, traditionnellement critique vis-à-vis du manque de repentance du Japon, l’analyste Jung E-gil revient sur l’affirmation par Tokyo qu’il lui revient de décider du recours à une éventuelle « contre-attaque » contre la Corée du Nord. « Comment accepter cette réalité d’un Japon désignant la péninsule coréenne – constitutionnellement notre territoire souverain – comme cible de frappes ? » De fait, l’article 3 de la Constitution sud-coréenne établit le territoire de la République de Corée (nom officiel du Sud) sur « l’ensemble de la péninsule coréenne et les îles environnantes ».

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Source : Le Monde.fr

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