Le premier ministre japonais, Fumio Kishida (à gauche), après une conférence de presse conjointe avec son homologue thaïlandais, Prayuth Chan-ocha, à Bangkok, le 2 mai 2022. Le premier ministre japonais, Fumio Kishida (à gauche), après une conférence de presse conjointe avec son homologue thaïlandais, Prayuth Chan-ocha, à Bangkok, le 2 mai 2022.

La guerre en Ukraine a conduit le Japon, seul pays asiatique du G7, à sortir de sa réserve coutumière lors des crises internationales. Après avoir vivement condamné l’invasion russe, il ambitionne d’apparaître comme le fédérateur d’une Asie « libre et ouverte », « rejetant toute tentative unilatérale de modifier le statu quo par la force ». Le voyage que vient d’effectuer en Asie du sud-est le premier ministre, Fumio Kishida, qui a visité successivement l’Indonésie, le Vietnam et la Thaïlande entre le 29 avril et le 1er mai, illustre la volonté de Tokyo d’essayer de rassembler autour du Japon des pays asiatiques aux positions souvent divergentes de l’Occident à propos de la crise ukrainienne.

Tokyo anticipe que la guerre en Ukraine risque d’être l’amorce d’un dérèglement des normes internationales qui, parti d’Europe, ne sera pas sans effet à l’autre extrémité de la planète – ne serait-ce qu’en raison de l’extension du territoire russe jusqu’en Extrême-Orient. Alors qu’en Europe le danger est avant tout russe, pour le Japon il est double : à une Chine aux ambitions hégémoniques s’ajoute une Russie qui « vient de montrer qu’elle peut opérer à la fois à l’ouest et à l’est », a estimé le ministre japonais de la défense, Nobuo Kishi, après les récents exercices de la flotte russe en mer d’Okhotsk, située au nord de l’Hokkaido, l’île la plus septentrionale du Japon. Concentrée jusqu’à présent au sud-ouest de l’archipel, face à la Chine, la défense japonaise va devoir renforcer ses positions sous ces latitudes – comme du temps de l’URSS.

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Une opinion publique nippone circonspecte

L’alignement du Japon sur les positions des autres membres du G7, notamment à propos de l’adoption de sanctions économiques, ne fait cependant pas l’unanimité dans l’opinion publique nippone : cette dernière condamne l’agression, mais une partie d’entre elle reste circonspecte quant aux causes réelles du conflit.

La prise de position du Japon lui a valu des mesures de rétorsion du Kremlin qui a mis fin aux négociations sur le traité de paix entre les deux pays. Celui-ci achoppe depuis plus d’un demi-siècle sur le différend concernant la souveraineté de quatre îles de l’archipel des Kouriles, annexées par l’URSS à la suite de la défaite japonaise de 1945. Mais la détérioration des relations avec Moscou n’est pas, pour l’instant, la préoccupation majeure du premier ministre Kishida : sa priorité est en effet de rapprocher les positions des pays de l’Asie du Sud-Est de celle du G7 afin de ne pas apparaître isolé dans sa propre région. Tokyo fait ainsi valoir auprès de ses voisins que l’agression dont l’Ukraine est victime peut se produire ailleurs et que les pays de la région doivent faire preuve de cohésion dans la condamnation de la Russie. Les convaincre est difficile, car ils rechignent.

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Source : Le Monde.fr

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