L’argot de bureau : le « kaizen » ou l’éloge de la régularité

Au terme d’une période des fêtes honteuse, faite d’excès alimentaires et d’une flemme incommensurable, Théobald profite du Nouvel An pour prendre de bonnes résolutions : lire un livre par semaine, faire cent pompes par jour, tout plaquer pour monter un élevage de chèvres… Ce cher Théobald ne le sait pas, mais il vient de commettre un odieux kaikaku : des changements drastiques, brusques, qui ne survivront pas à leur annonce. C’est l’exact opposé du kaizen.

Lorsque l’on songe à une mode de management japonaise, le kaizen revient souvent. Il trouve ses racines dans les usines Toyota des années 1950. Assemblage des deux signes nippons kai, « changement », et zen, « meilleur », le kaizen est souvent traduit comme l’« amélioration continue ». Par extension, le kaizen consiste à savoir s’analyser pour s’améliorer : il cherche l’optimisation des méthodes de travail pour une meilleure productivité.

Cet état d’esprit s’accompagne d’une vision très pratique : des actions simples permettent d’entretenir le chemin vers le « mieux », à condition qu’elles aient lieu quotidiennement, à petits pas, sans mettre la charrue devant les bœufs. Comme lorsque Djibril, du service commercial, décide enfin de classer les dossiers empilés en tour de Pise sur son bureau. Ou quand Sonia, de la direction, remplace son champ de pense-bête par une grande ardoise murale visible par tout l’open space. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, dit le proverbe.

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Le kaizen, qui classe les changements par ordre de priorité, débute souvent par l’élimination du gaspillage et le repérage des erreurs évidentes. « Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas », disait Lao Tseu. Dans notre chasse aux déchets indésirables, on trouve trois catégories.

« Muda », « mura », « muri »…

Il y a d’abord les muda, les activités qui n’ont pas de valeur ajoutée : déplacements inutiles entre deux postes de travail qui pourraient être côte à côte, temps d’attente imprévus au service RH. Puis viennent les mura, ces irrégularités dans les processus : par exemple, quand deux salariés font la même tâche, car la hiérarchie s’est emmêlé les pinceaux. Sans oublier le versant compétences, les muri : ces difficultés surviennent quand un salarié n’a pas les outils ou la formation nécessaires pour accomplir une tâche, un peu comme si l’on demandait à un chef d’animer une visioconférence depuis un Minitel.

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Source : Le Monde.fr

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