Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, le 6 août à Hiroshima.

Soixante-quinze ans après la défaite du Japon, le 15 août 1945, l’aggravation des tensions et des rivalités géopolitiques en Asie orientale, sur fond de la triple crise sanitaire, économique et politique engendrée par la pandémie, nourrit au Japon un sentiment d’anxiété. « L’ordre post-guerre froide s’effrite et la question de la sécurité du Japon doit désormais être envisagée en tenant compte de ce contexte et non plus seulement en termes juridiques de conformité ou non à la constitution », estime le politologue Masayuki Tadokoro de l’université Keio à Tokyo. L’article 9 de la Constitution japonaise postule que le Japon « renonce à jamais à la guerre ».

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Un contexte d’autant plus tendu que, dans cette partie du monde, la guerre froide ne fut pas une période d’« équilibre de la terreur » comme en Europe, mais de « guerres chaudes » (en Corée et au Vietnam) dont restent des séquelles : dans la péninsule coréenne, deux armadas sur le pied de guerre se font face depuis plus d’un demi-siècle avec les risques d’affrontements et d’une attaque de missiles balistiques nord-coréens sur l’Archipel.

La confrontation entre la Chine et les Etats-Unis, conjuguée à la répression à Hongkong et aux risques d’affrontements en mer de Chine méridionale et orientale, où croisent des navires de guerre américains, chinois et japonais, rappelle au Japon les ambiguïtés de sa situation : voisin d’une Chine perçue comme une menace, il dépend pour sa sécurité de l’alliance avec les Etats-Unis, dont la fiabilité est aujourd’hui loin d’être certaine.

Position en retrait

La défaite de 1945 a fait de l’Archipel l’instrument d’une politique qui servait les intérêts du vainqueur et dont il tira certes profit pour bâtir sa prospérité et reconquérir une place sur la scène internationale. Mais, aujourd’hui, les ambitions chinoises entament les équilibres de cette pax americana dont l’Archipel est la pierre de touche.

A la suite de l’effondrement de l’Union soviétique en 1991 s’est peu à peu dessinée une bipolarité régionale fondée non sur des blocs, mais sur des sphères d’influence dominées par la Chine ou le duo Etats-Unis – Japon, qui rivalisent de programmes de financement au développement. Un équilibre qu’une Chine conquérante cherche aujourd’hui à faire basculer à son avantage en commençant par briser ce qu’elle estime être un encerclement.

A l’origine, le traité de sécurité nippo-américain avait deux objectifs : prévenir une attaque du Japon par l’URSS et contenir la Chine. Objectif auquel répondait la stratégie des grands archipels (d’Hokkaido à Okinawa, en passant par Taïwan et les Philippines) qui lui fermait le Pacifique. Avec un bémol cependant pour le Japon : « Rouge ou bleu, la Chine est un marché », disait en 1949 le premier ministre, Shigeru Yoshida, à la suite de l’arrivée au pouvoir des communistes. Et longtemps le Japon sépara l’économique du politique, cherchant à mettre entre parenthèses les sujets qui fâchent pour privilégier les intérêts communs.

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Source : Le Monde.fr

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