Après être devenu une référence majeure dans la vie intellectuelle et artistique en France, le mot « zen » est entré dans le langage courant. Loin de son sens originel, ce zen globalisé est partout : des slogans publicitaires de cosmétiques au design, en passant par la cuisine et les états d’âme – « Soyons zen », chantait Zazie en 1995. Ce terme est aujourd’hui synonyme de sérénité, de calme…

Le zen, branche du bouddhisme, né en Chine au VIe siècle sous le nom de chan, puis arrivé au Japon via la Corée six siècles plus tard, a commencé à être connu en France à la fin des années 1940 grâce à certaines traductions, dont les célèbres Essais sur le bouddhisme zen de Daisetsu Suzuki, connu outre-Atlantique sous le nom de « Daisetz » (1870-1966), publiés en français en 1943. Une « fresque encyclopédique sur une tradition qui a structuré historiquement la civilisation japonaise », dixit la quatrième de couverture.

L’immense érudition de l’auteur occulta longtemps son ambiguïté à l’égard du militarisme des années 1930-1940, au demeurant largement partagée par le clergé zen à l’époque. Quant au zen supposé avoir « structuré la civilisation japonaise »… sans doute faudrait-il y regarder de plus près avant d’en faire le marqueur identitaire de l’Archipel.

Une vogue intello-mondaine

En tout cas, dans les années 1960, commence aux Etats-Unis le « trip » des « fous du zen », lancés sur les chemins de l’éveil. Les grandes figures de la contre-culture américaine Jack Kerouac (1922-1969), Allen Ginsberg (1926-1997), Gary Snyder, Bob Dylan… n’eurent jamais d’équivalents en France.

En revanche, des auteurs comme Georges Bataille (1897-1962), Karlfried Graf Dürckheim (1896-1988) ou Jacques Lacan (1901-1981) s’emparent du zen. Et, dans les années 1960-1970, c’est la déferlante. D’André Malraux (1901-1976) à Michel Foucault (1926-1984), tout intellectuel qui se respecte doit visiter un temple zen, voire y séjourner, ou au moins s’entretenir avec un moine au cours d’une visite au Japon. L’espace médiatique est alors largement occupé par cet engouement intellectuel pour un zen supposé antidote mystique à la civilisation industrielle.

La vogue intello-mondaine est ensuite retombée et le zen – qui fait certes l’objet d’études savantes en France – a essaimé dans la société, cette fois sur le registre mercantile, pour devenir une « zénitude » encore plus caricaturale.

Source : Le Monde.fr

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