Le premier ministre japonais, Fumio Kishida (vu à travers un télé-prompteur), prend la parole lors d’une conférence de presse à Tokyo, le 3 mars 2022. Le premier ministre japonais, Fumio Kishida (vu à travers un télé-prompteur), prend la parole lors d’une conférence de presse à Tokyo, le 3 mars 2022.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie relance les débats au Japon sur son rapport à l’arme nucléaire. La controverse est exacerbée par les appels récents de plusieurs responsables politiques suggérant de partager des armes nucléaires américaines entre alliés, sur le modèle de ce que fait l’OTAN en Europe. Les réactions n’ont pas tardé : lors d’une conférence de presse, mercredi 2 mars, Shigemitsu Tanaka, survivant du bombardement atomique sur Nagasaki et coprésident de Nihon Hidankyo, la Confédération japonaise des victimes des bombes A et H, a fait part de sa « profonde indignation ». Il a vu dans ces propositions « le risque d’anéantissement des efforts de ceux qui ont permis l’entrée en vigueur du traité onusien d’interdiction des armes nucléaires ».

Le Parti de l’innovation du Japon (opposition) venait en effet de demander au gouvernement d’aborder la question, comme l’avait fait, le 27 février, l’ancien premier ministre, Shinzo Abe. « Il faut comprendre comment s’articule la sécurité du monde. Nous ne devrions pas avoir de tabou sur la réalité à laquelle nous sommes confrontés », avait déclaré M. Abe.

Environnement sécuritaire fragilisé

Rejetée par l’actuel chef du gouvernement, Fumio Kishida, la question interpelle dans un pays attaché au pacifisme et qui reste le seul à avoir subi des bombardements atomiques, à Hiroshima et à Nagasaki, les 6 et 9 août 1945. Or l’Archipel doit faire face à un environnement sécuritaire fragilisé par la montée en puissance de la Chine, la menace de la Corée du Nord et désormais celle de la Russie. Seul un bras de mer de quelques kilomètres à l’ouest de l’île d’Hokkaido (nord) sépare le Japon de son voisin russe.

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Fin 2021, Tokyo a décidé d’amener à 2 % du produit intérieur brut son budget de défense pour l’exercice 2022, qui commence en avril. Cette minirévolution, qui correspond à un doublement des dépenses militaires, est à rapprocher du choix de l’Allemagne, également attachée au pacifisme depuis la seconde guerre mondiale, et qui a décidé d’investir massivement dans la modernisation de son armée après l’offensive russe en Ukraine.

Il n’est toutefois pas envisagé par le pays de se doter d’un arsenal nucléaire, même si la question est régulièrement évoquée depuis les années 1950. Elle fait partie du discours de la frange nationaliste nippone, qui veut faire de l’Archipel un pays doté de tous les attributs de la puissance, en révisant notamment la Constitution de 1947 dont l’article 9 interdit le recours à la force.

Dès 1957, le premier ministre Nobusuke Kishi (au pouvoir entre 1957 et 1960), grand-père de Shinzo Abe, déclarait au Parlement qu’il était faux de penser que le Japon n’avait pas le droit d’avoir des armes atomiques, estimant qu’elles pouvaient être considérées comme défensives. Dans les années 1960, le premier ministre, Eisaku Sato (1964-1972), grand-oncle de Shinzo Abe, s’inquiétait de la menace chinoise après ses essais nucléaires de 1964 et 1966.

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Source : Le Monde.fr

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