Livre. A rebours de la vision d’un Japon consensuel faisant preuve d’une stabilité politique et sociale enviable au regard des déchirements d’autres démocraties, les auteurs font œuvre novatrice en révélant un aspect peu connu du paysage politique : la lutte citoyenne et la contestation de la jeunesse.

Anne Gonon, qui enseigne les sciences sociales à l’université Doshisha, à Kyoto, et Christian Galan, spécialiste de l’histoire du système éducatif au Japon, à l’université de Toulouse Jean-Jaurès, montrent que l’archipel n’est pas exempt de contestation dans la veine d’Occupy Wall Street, des Indignés ou des mouvements prodémocratie à Hongkong et en Thaïlande. A partir d’un retour décryptage sur le sursaut de la jeunesse étudiante japonaise en 2015-2016, les auteurs mettent en lumière l’apparition d’espaces de questionnement critique sur l’inégalité et la participation de la société japonaise.

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L’Action d’urgence des étudiants pour la démocratie libérale (Students Emergency Action for Liberal Democracy, abrégé « SEALDs »), mouvement apparu en mai 2015, a mis en évidence les limites d’un système qui, ignorant les attentes des jeunes générations – comme d’une bonne partie de l’opinion publique –, a conduit à une dépolitisation dont témoigne le faible taux de participation aux élections. Comme ce fut le cas, une nouvelle fois, lors du renouvellement de la chambre basse le 31 octobre : compte tenu du fort taux d’abstention (près de 50 %), la victoire du Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir sans pratiquement discontinuer depuis 1955, est moins une expression de confiance de l’électorat que de défiance de beaucoup à l’égard de la classe politique.

Rejet d’un monde politique sclérosé

Si le rejet d’un monde politique sclérosé et les doutes sur l’effet du vote populaire sont clairs, ils ne sont pas pour autant l’expression d’un repli de la conscience citoyenne. Celle-ci s’exprime ailleurs que dans les urnes : dans une pléthore d’actions civiques, humanitaires ou de bénévolat.

Le mouvement SEALDs, qui a incarné une nouvelle forme de cet activisme citoyen, avait pour toile de fond les transformations sociales entraînées par les effets de la politique néolibérale qui a suivi l’éclatement de la bulle financière du début des années 1990. Les jeunes qui se mobilisèrent appartenaient à la première génération d’une société travaillée par la montée des inégalités, une précarisation du travail et une dépréciation des diplômes universitaires qui ne garantissent plus un emploi stable. Le phénomène déclencheur fut l’ébranlement de la société provoqué par la catastrophe nucléaire de Fukushima (à la suite du séisme et du tsunami du 11 mars 2011) qui entamait le mythe de la sécurité garantie par l’Etat. Il se conjuguait au vote de lois visant à tourner les dispositions pacifistes de la Constitution ouvrant la voie à une participation du Japon à des actions militaires.

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Source : Le Monde.fr

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