Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, et le premier ministre japonais, Shinzo Abe, lors de l’ouverture de la Ticad, à Yokohama, le 28 août 2019.
Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, et le premier ministre japonais, Shinzo Abe, lors de l’ouverture de la Ticad, à Yokohama, le 28 août 2019. TOSHIFUMI KITAMURA / AFP

C’est sur fond de vive concurrence avec la Chine et de volonté de s’en différencier que le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a ouvert, mercredi 28 août, la septième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad 7). L’événement, devenu triennal après avoir été quinquennal de 1993 à 2013, veut témoigner d’une lente évolution de l’intérêt nippon pour ce continent devenu terre d’opportunités économiques.

Dans son discours d’ouverture, M. Abe a souligné « les changements des relations entre le Japon et l’Afrique », lancé une initiative baptisée Napsa (pour « Nouvelle approche pour la paix et la stabilité en Afrique ») et insisté sur l’urgence d’investir sur un continent dont la croissance moyenne s’est élevée à 4,3 % par an entre 2000 et 2017 et dont la population devrait atteindre 2,5 milliards d’habitants en 2050, contre 1,3 milliard en 2019.

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Dans un message témoignant d’une volonté de se distinguer de l’activisme chinois en Afrique, le premier ministre a également insisté sur les infrastructures « de qualité » et sur « l’importance de la liberté de navigation et le respect du droit » dans les eaux entourant ce continent, comme il le fait pour la région indopacifique. Cette volonté devrait figurer dans la déclaration finale dite « de Yokohama » signée à la fin de la Ticad.

Près de 800 entreprises nippones en Afrique

Le chef du gouvernement nippon entérinait ainsi plusieurs priorités du Japon, à commencer par celle désormais accordée à l’investissement et non plus à l’aide financière. A la différence des Ticad précédentes, un important salon réservé aux entreprises et aux gouvernements vise cette fois à s’intéresser à un continent présenté comme « ouvert » par le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, qui s’exprimait en tant que dirigeant de l’Union africaine. La tonalité des dirigeants présents était sur la même ligne, insistant sur la stabilité de leurs pays et leur « potentiel inexploré » pour rassurer des entrepreneurs japonais toujours réticents à se lancer en raison d’inquiétudes sur la sécurité.

Pas moins de 796 sociétés nippones, comme le géant de l’agroalimentaire Ajinomoto ou celui des transports Yamaha, sont présentes en Afrique, contre 520 en 2010. En 2017, le groupe de produits chimiques Kansai Paint a acheté trois sociétés est-africaines. Du côté des PME, l’incubateur Samurai Incubate a investi en 2018 au Rwanda, pour y soutenir le développement de start-up dans les secteurs bancaire, de la santé et de l’agriculture. Et la société de conseil Double Feather Partners, créée fin 2018, a choisi de concentrer ses activités en Afrique.

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En 2018, le Japon a exporté 8,1 milliards de dollars (près de 7,1 milliards d’euros) de produits vers l’Afrique et en a importé 8,9 milliards de dollars. L’essentiel des importations nippones porte sur les matières premières : le charbon et le gaz du Mozambique, le fer sud-africain… De son côté, l’archipel exporte des voitures et des produits électroniques.

Sur le plan institutionnel, le Japon bénéficie d’une réelle confiance en Afrique, notamment pour le respect de ses engagements. Le pays est aussi apprécié pour son « soft power », telle l’initiative pour l’éducation au profit des entreprises africaines lancée lors de la Ticad 6 de Nairobi, en 2016, qui a permis de former 1 219 jeunes Africains, soit dans des facultés au Japon, soit au travers de stages dans des entreprises nippones.

Des pressions « directes ou indirectes » de Pékin

Malgré cela, reconnaît Shigeru Ushio, responsable du département des affaires africaines au ministère des affaires étrangères, « le Japon reste à la traîne des autres pays, nombre d’entre eux, dont des économies émergentes comme l’Indonésie, s’efforçant de développer leur présence en Afrique ».

C’est particulièrement vrai pour la Chine avec son initiative dite des « nouvelles routes de la soie ». En 2017, les investissements directs du Japon en Afrique n’ont pas dépassé 7,8 milliards de dollars. Ceux de la Chine ont atteint 43 milliards de dollars. Le ministre nippon de l’économie, Hiroshige Seko, déplorait en avril la faible hausse des exportations japonaises vers l’Afrique depuis 2001, alors que celles de la Chine ont été multipliées par 18.

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L’influence chinoise ne se limite pas au champ économique ; et le faible nombre de dirigeants venus à la Ticad 7, une trentaine contre plus de 50 lors de la Ticad 5 en 2013, est attribué par les diplomates nippons à des pressions « directes ou indirectes » de Pékin.

L’un des problèmes du Japon par rapport à son puissant voisin, c’est sa présence limitée en Afrique. « Il n’y a que 7 000 à 8 000 Japonais vivant en Afrique, contre 1,5 à 2 millions de Chinois », indique Sadaharu Kataoka, spécialiste de l’Afrique à l’université Waseda, à Tokyo. Et rien n’indique que la situation va changer, malgré le volontarisme de M. Abe. D’après la Jetro, l’organisation japonaise du commerce extérieur, « beaucoup de groupes nippons continuent de cibler l’Asie du Sud-Est et attendent que les pays africains soient plus développés avant de s’y lancer ».

Source : Le Monde.fr

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