Par Philippe Pons et Philippe Mesmer

Rythmé par les catastrophes, le règne de l’empereur Akihito, qui a abdiqué le 30 avril, a été marqué par la montée des inégalités et de la précarité, sur fond de vieillissement démographique.

A chaque changement d’empereur, s’ouvre une nouvelle ère au Japon. C’est aussi l’heure des bilans. L’ère Heisei (« paix en devenir », 1989-2019), qui vient de s’achever avec l’intronisation de l’empereur Naruhito, 59 ans, restera dans l’histoire comme la fin d’une époque : celle de l’optimisme, qui avait animé une nation hyperproductive et innovante au cours de l’ère Showa (« paix éclairée », 1926-1989).

Hissé au troisième rang de l’économie mondiale en 1970, le pays sombrera, vingt ans plus tard, dans une crise multiforme – économique, sociale et identitaire. L’ère Heisei a donc été celle des désillusions et des inquiétudes. L’euphorie orchestrée de l’entrée dans l’ère Reiwa, le 1er mai, signifie-t-elle que la page est désormais tournée ?

Un sondage du quotidien Asahi Shimbun est révélateur : 5 % des personnes interrogées estiment que l’ère Heisei fut une période « brillante », 42 % qu’elle fut « tumultueuse » et 29 % qu’elle fut synonyme de « stagnation ».

En effet, un rapport sur l’état du Japon, rédigé en 2018 par de jeunes fonctionnaires du ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (METI) et diffusé sur Internet, portait le titre « Des individus inquiets et un Etat paralysé ». Téléchargé plus de 1 million de fois, ce texte reflétait le ressenti de beaucoup de trentenaires et de quadragénaires, appartenant à la « génération Heisei » : ayant grandi dans un pays dont l’économie languissait, sur fond de crise de l’emploi, ils ont l’impression d’être une « génération perdante ».

A l’orée d’une nouvelle ère, les Japonais sont donc travaillés par la nostalgie des succès passés – illustrée par la popularité de la série Toto nechan (« Ma grande sœur Toto »), diffusée en 2016 sur la chaîne nationale NHK, qui exalte les années 1960. Et peu adhèrent à l’optimisme affiché du gouvernement, leur faisant miroiter la manne des Jeux olympiques (JO) de 2020 à Tokyo ouvrant l’ère nouvelle.

Apparente cohésion sociale

Pour autant, le Japon reste l’une des économies les plus avancées du monde et il conserve une apparente cohésion sociale, enviable au regard des déchirements des démocraties occidentales. Le secteur des services est exemplaire, les infrastructures, comme la recherche, sont des plus performantes, l’espérance de vie demeure la plus élevée du monde (84,2 ans en 2018), et la criminalité, en baisse constante (915 000 crimes et délits en 2017, contre 2,8 millions en 2002), figure parmi les plus faibles.

Source : Le Monde.fr

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