Le septième jour du septième mois, c’est Tanabata. Dans tout le pays, les Japonais célèbrent la « Fête des étoiles ». Les enfants écrivent un vœu sur un tanzaku, petite carte de couleur, puis la suspendent à une branche de bambou. Et leurs pensées merveilleuses volent au vent. Ce 7 juillet, Haruko a inscrit un mot, un seul : « mourir ».

« Je trouvais des insultes écrites sur les dessins que je faisais en classe ou bien on me traitait de “bacille”. J’ai fini par me dire qu’il valait mieux que je disparaisse », raconte Haruko. Son souhait n’a pas été exaucé. Mais il préfère s’exprimer avec un nom d’emprunt. Par peur des brimades de ses nouveaux camarades. « Pour ne plus être harcelé, je dissimule le fait que je suis un réfugié », explique le garçon du haut de ses 15 ans. Avec son uniforme (costume sombre, cravate et chemise blanche frappée du blason de son école), rien ne distingue Haruko des autres collégiens. En apparence.

Haruko, 15 ans, a été victime de harcèlement de la part de ses camarades d’école parce qu’il vient de Fukushima.
Haruko, 15 ans, a été victime de harcèlement de la part de ses camarades d’école parce qu’il vient de Fukushima. SAMUEL BOLLENDORFF POUR LE MONDE

Haruko est un évacué de Fukushima. Un parmi 160 000 déplacés. Son enfance a pris fin brutalement le 11 mars 2011. Ce jour-là, un puissant séisme frappe le Japon. Une vague de 36 mètres déferle sur la côte est de l’île de Honshu et ravage tout sur son passage. La centrale nucléaire, implantée au bord du Pacifique, est dévastée. Après Tchernobyl (en 1986), il y aura désormais Fukushima. Le bilan du tsunami fait état de 18 500 morts et disparus. Officiellement, « l’accident », comme l’appellent toujours pudiquement les Japonais, n’a fait aucune victime. Mais combien de vies brisées, d’enfances volées dans un pays en proie à un effondrement démographique ?

« Avec mes parents et mon petit frère, nous avions l’habitude d’aller contempler les cerisiers au printemps, dans un parc tellement beau qu’on montrait souvent à la télévision ses allées bordées en pleine floraison. Ce parc s’appelle la Forêt de nuit. L’été, on ramassait des coquillages au bord de la mer ; en automne, on cueillait des shiitakés dans les bois, et avec les copains on fabriquait des billes avec la terre », se rappelle Haruko, dont la famille a dû quitter la « grande maison » dIwaki, à 30 km de la centrale,pour un « petit appartement » à Tokyo.

Stéphane Mandard
Préfecture de Fukushima, envoyé spécial

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