Une famille se recueille devant une stèle portant les noms de Japonais et d’Américains morts lors de la bataille d’Okinawa, au mémorial pour la paix d’Itoman, le 23 juin 2007. Une famille se recueille devant une stèle portant les noms de Japonais et d’Américains morts lors de la bataille d’Okinawa, au mémorial pour la paix d’Itoman, le 23 juin 2007.

De nouvelles versions de manuels scolaires illustrent l’influence persistante du révisionnisme sur l’enseignement de l’histoire au Japon. Les informations sur le rôle de l’armée japonaise dans les suicides de masse au sein de la population après le débarquement des troupes américaines lors de la bataille d’Okinawa en 1945 ont été retirées de plusieurs manuels devant être utilisés à la rentrée de 2024.

La bataille d’Okinawa a duré de mars à juin 1945. Elle fut parmi les plus meurtrières de la guerre du Pacifique. Environ 200 000 Japonais, en majorité civils, ont péri, de même que 12 000 Américains. Durant les affrontements sur ce petit archipel du sud du Japon, l’armée impériale a utilisé la population locale comme bouclier humain. Elle a persuadé nombre d’habitants que les soldats américains étaient des « barbares » prêts à se livrer à des massacres et à des viols, poussant ainsi les civils à se suicider en masse.

Les changements dans les manuels scolaires ont été révélés le 28 juin par l’association Kodomo to Kyokasho Zenkoku Net 21 ( ONG de suivi des contenus de l’enseignement ), qui a consulté ces ouvrages destinés aux élèves de sixième année de primaire, l’équivalent de la première année de collège en France.

Les éditeurs de ces manuels ont justifié les changements par la prise en compte « du stade de développement des enfants » et de l’ « espace réduit pour évoquer le contexte des suicides collectifs ». Ils auraient aussi répondu à une injonction du ministère de l’éducation qui, de son côté, a « procédé à un examen approfondi et décidé de ne pas inclure la mention [du rôle de l’armée dans les suicides collectifs] », conformément aux décisions du gouvernement.

« La génération qui n’a pas connu la guerre est désormais majoritaire, il est essentiel d’apprendre correctement les faits historiques qui expliquent pourquoi les habitants ont été contraints au suicide collectif », a déploré dans un éditorial le Tokyo Shinbun, quotidien de centre gauche. Le Ryukyu Shimpo, journal d’Okinawa, a de son côté rappelé une décision de 2008 de la Cour suprême au sujet de l’ouvrage de 1970 de Kenzaburo Oé (1935-2023) intitulé Notes d’Okinawa, attaqué par des familles de soldats parce qu’il mentionnait la violence des troupes nippones envers la population locale. « Il est raisonnable de reconnaître que l’armée japonaise était profondément impliquée dans les suicides collectifs », avait jugé le tribunal.

« Représentations masochistes »

Le rôle des militaires dans ces suicides fait partie des cibles de la puissante mouvance révisionniste japonaise, influente au sein du Parti libéral démocrate (PLD, au pouvoir), avec comme figure tutélaire l’ancien premier ministre, Shinzo Abe (1954-2022). Ce mouvement nie aussi la réalité du massacre de Nankin de 1937 en Chine, ou encore l’existence des femmes dites « de réconfort », un euphémisme pour qualifier les femmes, coréennes, chinoises voire néerlandaises, forcées de se prostituer pour les soldats nippons pendant la guerre.

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Source : Le Monde.fr

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