Une femme consulte son téléphone alors qu’elle attend son hôte dans un host club du quartier rouge de Kabukicho à Tokyo, le 23 janvier 2017. Une femme consulte son téléphone alors qu’elle attend son hôte dans un host club du quartier rouge de Kabukicho à Tokyo, le 23 janvier 2017.

« Un homme m’a pris le bras et emmenée de force dans un hôtel. Il a commencé à filmer et à me tripoter. J’ai eu peur. Je me suis enfuie avant qu’il me déshabille. » Perchée sur de hauts talons, en minijupe rose parsemée de brillants, le regard perdu, l’adolescente hésite à franchir l’entrée du poste de police de Kabukicho, dans le quartier de l’arrondissement de Shinjuku, à Tokyo.

Frêle, 18 ans à peine, elle fait partie de ces centaines d’adolescentes et de jeunes femmes qui se prostituent dans le quartier chaud de la capitale nippone, pour rembourser une dette, arrondir des fins de mois ou simplement survivre. Leur présence a augmenté depuis la pandémie de Covid-19, durant laquelle beaucoup ont perdu leur emploi ou subi des violences conjugales ou familiales.

Alignées dans la ruelle, entre la façade blanche de l’hôpital Okubo et les grilles du parc éponyme, les jeunes femmes attendent les kimoi ojisan (« oncles malsains »), leurs clients, qui paieront entre 5 000 et 20 000 yens (entre 30 et 120 euros environ) pour une heure de sexe tarifé dans un des « love hotels » voisins. Passé 22 heures, certaines se dirigeront vers les bars à thème, costumées en infirmière, en lolita ou en soubrette. Ces filles logent le plus souvent dans des cybercafés au cœur de Kabukicho, à raison de 4 600 yens (28 euros) la nuit pour une cabine individuelle.

Maltraitances familiales en hausse

La police a arrêté 35 de ces jeunes femmes en septembre – 80 depuis le début de l’année, contre 51 en 2022. Sur les 35 interpellées, une quinzaine étaient endettées auprès des « hosts », de jeunes hommes travaillant dans des clubs réservés aux femmes. Costumés, maquillés et gominés, ils repèrent leurs victimes – des femmes seules, souvent de province – sur Internet, les séduisent puis les incitent à fréquenter leur club. Elles finissent par y dépenser des sommes folles, jusqu’à 200 000 yens par soirée.

« Les hosts ont des tactiques de contrôle mental. Ils sont littéralement formés par les gérants des clubs pour cela », explique Ayaka Shiomura, du Parti démocrate constitutionnel (PDC), qui a soulevé la question en octobre au Parlement. Pour payer ses dettes auprès du host, la victime se prostitue. En janvier, la police a arrêté Takuya Akiba, 27 ans, un host qui aurait forcé une femme à travailler dans des bars pour lui rembourser 10 millions de yens (61 400 euros). « Je voulais être le numéro un de mon club », aurait-il déclaré aux enquêteurs.

Une autre raison de la prostitution des femmes est liée à la grande pauvreté ou aux maltraitances familiales, qui ont crû de 1,8 % en 2022 pour atteindre 84 496 cas, un record. Fuyant leur foyer, nombre de ces jeunes se retrouvent à Kabukicho, quartier clinquant, ne dormant jamais. Sur sa place centrale Toyoko, devant la tour flambant neuve Tokyu Kabukicho, des garçons aux cheveux rouges, verts ou roses et en tenue noire, ou des filles en tenue d’écolière errent, boivent, chahutent entre des canettes de boissons alcoolisées et des emballages vides de gâteaux. Ces « Toyoko Kids », comme ils sont appelés ici, finissent souvent par tomber dans la drogue et la prostitution.

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Source : Le Monde.fr

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