Lors d’un tournoi annuel de sumo dédié au sanctuaire Yasukuni à Tokyo, le 16 avril 2018. Lors d’un tournoi annuel de sumo dédié au sanctuaire Yasukuni à Tokyo, le 16 avril 2018.

Au croisement d’une discipline professionnelle internationale et d’une cérémonie prémoderne, le sumo est considéré comme l’un des sports les plus anciens du monde. Cette pratique, saturée d’un implicite culturel qui mélange la religion nationale et le folklore mythologique, est inclassable et représente pour beaucoup l’essence d’une tradition japonaise dite pure et authentique.

Comme un prétexte pour établir une connexion avec les dieux, le sumo relève plus du rituel que du sport. Discipline au-delà des limites physiques, tradition millénaire, ascèse proche de l’expérience mystique, tous les adjectifs les plus évocateurs ont été utilisés pour décrire des combats aussi exotiques qu’impénétrables.

Le moins érudit des spectateurs d’un match de sumo remarquera d’abord la complexité des cérémonies, des gestes codifiés des lutteurs, les rikishi, l’architecture d’une arène évoquant un Japon hanté par la question religieuse. Avant de comprendre la reconstruction historique des origines spirituelles du sumo, mêlant mythologie et identité japonaise, il est important de considérer cette pratique comme l’incarnation physique de la présence des dieux.

Un prolongement du shintoïsme ancien

Les références à la religion nationale, le shinto (littéralement la « voie des dieux »), inondent le monde du sumo. Spiritualité entièrement tournée vers la purification (harai), censée apporter harmonie et apaisement aux dieux de la nature, le shinto et ses valeurs ont infusé la société japonaise jusque dans les usages les plus triviaux, de la culture d’entreprise à la politesse ordinaire.

Allant des arbitres, les fameux gyoji, dont la tenue est inspirée des prêtres kannushi, aux ablutions rituelles obligatoires avant chaque combat, le sumo représente bien cette synthèse claire et laïque de symboles religieux complexes. Comme en témoigne la présentation officielle de l’actuelle Association japonaise de sumo (la Nihon Sumo Kyokai), le sumo est toujours considéré au Japon comme le prolongement du shintoïsme ancien dans le monde sportif.

Avant sa professionnalisation et sa médiatisation, la lutte japonaise était pratiquée sur le terrain des sanctuaires, en extérieur. Comme le décalque symbolique d’une architecture sacrée, le dohyo, l’arène d’argile surélevée où ont lieu aujourd’hui les combats, représente toujours cette ancienne terre divine jadis foulée par les lutteurs. Au-dessus du dohyo, le yakata, sorte de toit suspendu inspiré du grand sanctuaire d’Ise et orné de glands représentant les esprits des quatre points cardinaux, incarne le ciel et les nuages mouvants. Entre les deux : l’espace vide où les dieux habitent, là même où les rikishi s’affrontent.

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Source : Le Monde.fr

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