Takashi Tachibana, lors de l’interview accordée à l’« Asahi Shimbun », le 26 septembre 2007 à Tokyo, au Japon. Takashi Tachibana, lors de l’interview accordée à l’« Asahi Shimbun », le 26 septembre 2007 à Tokyo, au Japon.

Le journaliste Takashi Tachibana, pionnier au Japon du journalisme d’investigation, est mort, le 30 avril des suites de troubles cardio-vasculaires. Il était âgé de 80 ans. Comme il le souhaitait, ses funérailles ont eu lieu dans la plus stricte intimité, et sa disparition n’a été annoncée par sa famille que le 23 juin.

Il y a presque un demi-siècle, son enquête minutieuse publiée par le mensuel Bungei Shunju, en octobre 1974, avait conduit à la chute du populaire premier ministre de l’époque, Kakuei Tanaka (1972-1974), pour des affaires de corruption. Ses révélations incitèrent d’autres publications à enquêter également sur le bouillonnant premier ministre qui fut par la suite reconnu également coupable dans la célèbre affaire Lockheed (scandale international sur les commissions versées par le groupe aérospatial américain pour remporter des marchés).

Né, le 28 mai 1940, dans la préfecture de Nagasaki, diplômé de littérature française de l’université de Tokyo, Takashi Tachibana a commencé par collaborer à l’hebdomadaire Shukan Bunshun en 1964, puis il a repris des études de philosophie. Tirant un peu le diable par la queue, écrivant pour différents magazines, il avait ouvert un minuscule bar, le Gargantua, avec pour devise « Fay ce que tu voudras », dans le petit enclos de venelles de Golden Gai, dans le quartier de Shinjuku à Tokyo, alors repaire de tout un monde un peu marginal d’écrivains, de journalistes, d’artistes, de cinéastes. Il revendit son bar deux ans plus tard et voyagea en Europe et au Moyen-Orient.

Coup de tonnerre

Journaliste indépendant, n’ayant pas à respecter la prudence des rédactions des grands médias à l’égard du pouvoir et stimulé par l’affaire du Watergate aux Etats-Unis, il se lança dans une vaste enquête sur la « machinerie » du système de pouvoir Tanaka (spéculations foncières, appels d’offres truqués, complicités multiples dans le monde des affaires, caisses noires et achats des voix à la faveur de financements occultes de campagnes électorales, etc.). Fort des documents qu’il avait rassemblés, il attendit que son volumineux article soit pratiquement sous presse pour contacter des personnalités politiques afin d’éviter une contre-offensive de Kakuei Tanaka pour bloquer la publication.

Au Japon, où la grande presse a toujours été prudente – et l’est encore – sur les dessous de la politique, l’enquête de Tachibana résonna comme un coup de tonnerre, mais elle suscita au départ des commentaires sceptiques. Elle ne tarda cependant pas à avoir un effet boule de neige. Invité au Club de la presse étrangère en octobre 1974, Kakuei Tanaka avait paru pour la première fois pris de court, sinon déstabilisé, par le flot des questions. Courroucé, il avait fini par quitter la salle. Cette conférence de presse est restée l’une des plus mémorables du Club de la presse étrangère, vénérable institution fondée en 1945. Elle contraignit les grands médias japonais à sortir de leur attentisme.

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Source : Le Monde.fr

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