A Tokyo, le 13 mars.
A Tokyo, le 13 mars. Athit Perawongmetha / REUTERS

Longtemps, le Japon a fait figure d’exception : l’Archipel semblait relativement épargné par la propagation du coronavirus. Tout porte à croire que cette perception était faussement rassurante. Les cas sont désormais en progression alarmante, en particulier à Tokyo, Osaka et Kobé. Au 16 avril, le bilan était de plus de 9 000 personnes contaminées – hors les 712 du paquebot Diamond-Princess – et de 179 décès.

L’annonce, jeudi 16 avril, par le premier ministre Shinzo Abe de la mise en place de l’état d’urgence à l’échelle nationale – après l’avoir fait, neuf jours plus tôt, pour seulement sept des 47 départements du pays – est perçue par beaucoup de Japonais comme l’admission tacite, de la part du gouvernement, d’une certaine complaisance. Celle-ci s’est traduite, au cours des dernières semaines, par une dérobade des autorités à leur responsabilité de prendre la mesure de l’étendue de la contagion avant qu’elle n’empire.

Inertie bureaucratique

Neuf ans après l’accident nucléaire de Fukushima à la suite du tsunami du 11 mars 2011, le Japon est confronté au même triste constat : la responsabilité humaine dans deux catastrophes de nature différente. Aux responsabilités des gestionnaires de la centrale qui, pour des raisons de coût, n’avaient pas jugé nécessaire de protéger davantage les réacteurs d’une déferlante aussi forte, se sont ajoutées les contre-vérités du « village nucléaire », réunissant industriels, universitaires, élus et fonctionnaires défenseurs de l’atome. Les responsabilités ont été mises en lumière par la commission d’enquête mandatée par le Parlement sur l’accident. Un scénario analogue se produit avec le coronavirus, estime le Kiyoshi Kurokawa, qui présida cette commission. Une nouvelle fois, fait-il valoir, l’inertie bureaucratique face à une situation d’urgence pèse sur la gestion de la crise.

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Ces pesanteurs ont effectivement joué dans la gestion chaotique de l’épidémie à bord du paquebot de croisière Diamond-Princess, en quarantaine dans le port de Yokohama. Mais la lenteur de la réaction des autorités à l’épidémie à travers l’Archipel est avant tout politique. Le souci de préserver des intérêts économiques, de ne pas affecter la production, conjugué à des calculs politiciens, a différé les décisions.

« Les JO passaient avant la santé des habitants de Tokyo »

Pour ne pas compromettre sa diplomatie de rapprochement avec la Chine et compenser partiellement la contraction de la demande interne, M. Abe a laissé venir au Japon des dizaines de milliers de touristes chinois jusqu’à la fin du Nouvel An lunaire, début février. Plus grave, pendant près de trois mois après l’apparition du virus chez ses voisins asiatiques, il a entretenu l’illusion de la tenue des Jeux olympiques à Tokyo en juillet, donnant ainsi à la population le sentiment que la situation était sous contrôle. Ce qui explique l’atmosphère insouciante des citadins au cours du mois de mars, alors que partout ailleurs dans le monde, la situation s’aggravait. En s’obstinant à maintenir les JO, le gouvernement a de facto minimisé le risque sanitaire.

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Source : Le Monde.fr

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