Coupe du monde 2019 de rugby : à Kumamoto, la reconstruction post-séisme passe aussi par le stade

A la veille de France-Tonga, prévu dimanche 6 octobre à Kumamoto.
A la veille de France-Tonga, prévu dimanche 6 octobre à Kumamoto. AP / Le Monde.fr

Deux tribunes couvertes pour se protéger du cagnard. D’inévitables pancartes publicitaires. Et déjà, sur la toiture, les drapeaux de la France et des Tonga : voilà pour le stade de Kumamoto, à quelques heures d’accueillir son premier match du Mondial, dimanche 6 octobre (9 h 45 à Paris).

Il y a trois ans, l’édifice avait une utilité quelque peu différente : on entreposait là de nombreux produits de première nécessité venus de tout le Japon. Le vaste espace sert désormais de salle de presse.

Difficile, aujourd’hui, de se figurer le chaos antérieur. Ces deux violents tremblements de terre, coup sur coup, les 14 et 16 avril 2016. De terribles secousses ayant entraîné la mort de plus de 200 personnes. En langage de sismologues : magnitude 6,5 pour la première et 7,3 pour la seconde.

Le stade aussi a subi des dégâts. « Des fissures au niveau des murs et du plafond », résume le service municipal des relations publiques. Coût estimé des réparations : 110 millions de yens (936 000 euros).

Château en chantier

Depuis, la perspective – déjà acquise – d’accueillir le Mondial a pris une nouvelle tournure, plus symbolique : « Maintenant, nous voulons montrer au monde entier la reconstruction de notre ville », dit Fumihito Sakamoto, chargé pour la préfecture de promouvoir les événements sportifs.

Façon de situer la ville sur la carte, dans le sud-ouest de l’archipel : Kumamoto et ses quelque 700 000 habitants, ses clubs professionnels de football et de basket, ses grandes galeries, ses machines à sous, ses spectacles reconstitués de samouraïs. Mais aussi ses parcs reposants, dans le tumulte alentour. Sans parler, ce mois-ci, de son gros ballon ovale en pleine artère marchande.

Le sélectionneur français Jacques Brunel se promène dans le parc Suizenji de Kumamoto, le 26 septembre.
Le sélectionneur français Jacques Brunel se promène dans le parc Suizenji de Kumamoto, le 26 septembre. FRANCK FIFE / AFP

A quelques pas du centre-ville, le Mondial coïncide aussi et surtout avec un autre événement : la réouverture partielle du château, sur les hauteurs, du 5 au 14 octobre. Un monument bien plus endommagé que le stade. « Un trésor national », selon Ideta Koji. Le septuagénaire, autrefois démineur dans l’armée, a le tee-shirt rouge des guides bénévoles et un classeur avec des explications en anglais pour faciliter la visite.

« Sa reconstruction totale prendra encore du temps », prévient notre cicérone. De nombreuses pierres s’amoncellent toujours derrière une barrière.

« C’est ce qui rend plus complexe la reconstruction, nous allons essayer de remettre ces pierres à leur place initiale. Comme ce château appartient au patrimoine, il faut faire les choses correctement. »

Soudain, un portique à passer. Le Japonais ôte sa casquette en hommage à celui qu’il considère comme « une sorte de divinité » : le commandant Kato Kiyomasa, résident des lieux quatre siècles plus tôt. Dans les allées environnantes, des touristes se promènent, hongkongais, thaïlandais.

Le château de Kumamoto, mardi 1er octobre.
Le château de Kumamoto, mardi 1er octobre. « Le Monde »

En contrebas, les échafaudages du centre-ville accueillent d’autres passants. La fan-zone retransmet la Coupe du monde sur écran géant. Enfin, quand le temps le veut bien. En début de semaine, un risque de typhon a incité les organisateurs à un démontage provisoire. Plus de peur que de mal : la rafale a finalement touché la Corée du Sud, pas le Japon.

De petits tremblements de terre, cette région volcanique en avait déjà vécu. Mais « jamais on n’en aurait imaginé comme ceux de 2016 », assure Fumihito Sakamoto. « Peu d’habitants avaient pris une assurance contre les tremblements de terre », ajoute Raphaël Taxis, croisé au Kumamoto City International Center. Le Français travaille aux relations de la mairie avec Aix-en-Provence, jumelée avec la métropole japonaise. Tout comme Heidelberg, dont un tramway hors d’âge promène encore le drapeau allemand dans les rues.

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« Une machine à laver »

Lors du premier séisme, il sortait justement de ce centre : « Je me trouvais à vélo et pensais qu’il s’agissait simplement de travaux et d’un bâtiment démonté. Puis, un peu plus loin, j’ai vu des vitres brisées, des gens en pleurs… » La seconde fois, quand la terre a tremblé encore plus fort, il dormait déjà : « J’avais vraiment l’impression de me retrouver dans une machine à laver. A ce moment-là, tu sens que tu n’as plus de contrôle sur ta vie. »

Ce soir-là, le père de famille a fini par retourner dormir chez lui. Mais femme et enfants ont préféré passer la nuit dans la voiture d’une voisine. « Ma femme se souvenait des tremblements de terre de Kobe et des bâtiments écroulés [1995] » Des drames naturels qui peuvent aussi frapper à l’autre bout du pays, comme en 2011 : cette année-là, le tremblement de terre du « Grand Est » précédait l’accident nucléaire de Fukushima.

A Kumamoto, les séismes de 2016 ont privé d’eau et d’électricité 110 000 personnes. Soit presque un habitant sur sept contraint d’abandonner, au moins provisoirement, son habitation. La quasi-totalité a aujourd’hui retrouvé « un logement décent », selon les services de la mairie. Ou se trouve « sur le point » d’en retrouver un… trois ans après.

En gare, une grande affiche annonce aussi l’autre grand rendez-vous de l’année en cours : le championnat du monde féminin de handball prendra le relais dès la fin du mois de novembre. Un autre événement dont la mairie avait obtenu l’organisation avant les séismes.

Source : Le Monde.fr

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