Récit attachant, à l’écriture fluide et teintée d’ironie, d’un itinéraire spirituel, le livre Entre nuage et eau. Le quotidien d’un apprenti moine zen (Equateurs) opère une salutaire démythification d’une pratique de méditation, le zen, mise à toutes les sauces en France (voir encadré en bas de cet article).

Laissant de côté les références érudites et s’abstenant de digressions mystiques sur le « décollage » vers l’Eveil, Clément Sans, alias Tôzan (son nom de moine), jeune Français devenu moine dans le monastère Antai-ji, dans les montagnes au nord de Kyôto, se contente de raconter le zen au quotidien, avant tout comme « une expérience du corps ».

Au fil des pages, ce chroniqueur régulier du « Monde des religions » nous fait aussi découvrir nombre de ces « petits riens » qui tissent la vie japonaise. L’auteur ne prodigue aucune leçon et n’invite à aucune imitation : il raconte, ce qui est rafraîchissant. Dans un entretien croisé au Monde avec François Lachaud, directeur d’études à l’Ecole française d’Extrême-Orient et spécialiste du bouddhisme, Tôzan revient sur son cheminement personnel et spirituel.

Dans la bibliothèque de l’Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO), à Kyoto, où nous nous trouvons, nous sommes cernés de livres savants. Mais ce n’est pas en plongeant dans ce savoir sur le panthéon des dieux ou dans l’exégèse des grands textes que vous avez découvert le bouddhisme et le zen en particulier…

Tôzan : Mon cheminement a été tortueux. Je suis aussi venu au bouddhisme par intérêt intellectuel. La lecture de Martin Heidegger (1889-1976) m’a fait découvrir Kitaro Nishida (1870-1945), fondateur de l’Ecole de Kyôto, et surtout son successeur, Keiji Nishitani (1900-1990), qui ont élaboré une philosophie japonaise originale. Puis je me suis retrouvé un jour dans un dojo (littéralement « un lieu où on s’initie à la Voie ») rue de Tolbiac, à Paris.

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J’ai vite ressenti un manque. Pour celles et ceux qui étaient là, le bouddhisme se réduisait au zazen (méditation assise). Je les sentais moins bouddhistes que « zénistes » : une bonne moitié venaient là pour compléter des connaissances sur la pratique des arts martiaux ou du yoga… Il y a des exceptions, et peut-être ai-je rencontré les mauvais guides. En tout cas, j’ai décidé d’aller au Japon pour étudier la langue et voir sur place ce qu’il en était.

Et là, tout a été très vite. De temple en temple, je voyais l’histoire du bouddhisme se dérouler dans son immense complexité. Je suis « redescendu » des cimes de l’abstraction et me suis dépris d’une vision rationalisante de la pratique du zen, dont on oublie souvent qu’elle doit d’abord être vécue dans sa chair.

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Source : Le Monde.fr

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