« Il faut oser se battre », a martelé, en mars, le président chinois, Xi Jinping, devant des généraux. A cette injonction ont fait écho les manœuvres militaires de Pékin autour de Taïwan, début avril, en réaction à la visite aux Etats-Unis de la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen. La Chine affirme sa volonté de s’emparer, par la force s’il le faut, de l’île dont elle revendique la souveraineté, au nom de la « réunification nationale ». Mais son armée en a-t-elle la capacité ?

Depuis son arrivée à la tête du Parti communiste chinois, à l’automne 2012, Xi Jinping a repris en main l’Armée populaire de libération (APL). Une volonté réformatrice facilitée par les tares dont celle-ci est alors accusée. La corruption y est endémique, elle est perçue comme un Etat dans l’Etat, et le dernier combat mené par ses troupes, au Vietnam, en 1979, s’est soldé par un échec. « Le parti commande aux fusils », aime à rappeler M. Xi, citant Mao Zedong. Dès 2014, il fait arrêter deux généraux, Xu Caihou et Guo Boxiong, vice-présidents de la Commission militaire centrale (CMC) – plus haute instance de la défense nationale, qu’il préside alors depuis deux ans. Par la suite, plus de soixante-dix officiers généraux seront révoqués pour corruption. Quelque 13 000 militaires feront l’objet de sanctions disciplinaires.

Les quatre quartiers généraux de l’APL – l’état-major et les départements de la politique, de la logistique et de l’armement – ont été démantelés en 2016, et réorganisés en quinze unités, qui en réfèrent désormais directement à la CMC, donc à Xi Jinping. Selon le Livre blanc sur la défense, publié par Pékin en 2019, les effectifs ont été réduits de 300 000 « pour que la force active soit maintenue à 2 millions » d’hommes. Le personnel dans les échelons supérieurs a diminué de 25 %, et le nombre d’unités non combattantes de près de moitié.

Croissance exponentielle de la marine

Parallèlement, le budget de la défense a fortement augmenté. En mars, Pékin a encore annoncé une hausse de 7,2 %, soit la plus forte augmentation depuis 2019 (95 milliards de yuans, l’équivalent de 14 milliards de dollars ou de 13 milliards d’euros). Cet effort, minimise le parti-Etat, ne représenterait « que » 1,2 % de son PIB. Mais, à l’heure de la guerre en Ukraine et alors que les pays occidentaux tentent de se rapprocher des 2 %, ces chiffres laissent sceptiques les spécialistes.

Le budget militaire chinois officiel, soulignent-ils, n’intègre pas les sommes colossales engagées dans la recherche et développement (R&D) pour l’industrie d’armement, estimées à au moins 10 % de la dotation annuelle de l’APL, sur un budget total mal connu. Annoncé à 224,8 milliards de dollars, en mars, il était déjà évalué, par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm et l’International Institute for Strategic Studies, à près de 290 milliards de dollars, en 2021. « Ces dépenses de R&D ou la seule croissance en volume des dépenses militaires chinoises seraient alors supérieures au budget annuel de la défense de Taïwan [qui s’établit autour de 19 milliards de dollars en 2023] », pointe Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie à l’Institut Montaigne.

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Source : Le Monde.fr

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