Une femme portant un masque traverse le parc commémoratif de la paix d’Hiroshima, le 5 août.

Le temps passe et le souvenir des bombardements atomiques américains de 1945 sur Hiroshima et Nagasaki s’efface, obligeant à imaginer de nouvelles formes de transmission de cette mémoire douloureuse. « Les gens croient souvent que ce lieu a toujours été un parc. Mais c’était un quartier grouillant, le cœur de la ville. Là, il y avait la maison de ma mère, par là, le magasin de mon grand-père, près d’un cinéma. Il vendait des glaces. » Par ses gestes précis comme par ses mots, Kumiko Seino brave l’étouffante chaleur estivale pour redonner forme, à défaut de vie, à Tenjin-machi, quartier d’Hiroshima appelé aujourd’hui Nakajima et désormais couvert d’arbres ombrageant les monuments érigés en souvenir du bombardement du 6 août 1945, qui a détruit en un instant 70 % des bâtiments sur 12 km² au cœur de la ville du sud-ouest du Japon.

La dynamique infirmière sexagénaire est l’une des 150 « hibaku taiken denshosha », littéralement « successeur de l’expérience des hibakusha » (les survivants du bombardement) chargés de transmettre le message des victimes. Elevée dans une famille de survivants du bombardement, Mme Seino le fait « pour les générations futures qui connaissent mal la guerre et Hiroshima ». Moins de 30 % des Japonais savent les dates exactes des bombardements.

Elle raconte avec détails et conviction l’histoire de Keijiro Matsushima, hibakusha qui fut son professeur d’anglais au collège et qui vécu le bombardement alors qu’il était écolier : « Il était difficile de marcher, le centre de la ville était couvert d’un nuage de mort. Partout, il y avait des corps calcinés. »

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L’engagement de Mme Seino fait écho aux inquiétudes de la ville qui s’apprête à commémorer le 75e anniversaire du bombardement et rendre hommage aux 140 000 victimes, lors d’une cérémonie au format réduit à 880 participants, Covid-19 oblige.

Le souvenir de la tragédie s’appuie toujours sur la force des témoignages des survivants, dont la moyenne d’âge atteint 85 ans. Ces récits ont acquis au fil du temps une dimension universelle, axée sur le pacifisme et la lutte pour la disparition des armes nucléaires. Les hibakusha ont pris cette voie dès la reconstruction d’Hiroshima, menée avec l’idée de créer « une ville de la paix », et les premiers temps de la « guerre froide », marqués par l’enchaînement des essais nucléaires comme celui de l’atoll de Bikini en 1954, et la course aux armements. « Jusque-là, nous nous consolions en nous disant que le monde avait appris de nos souffrances. Nous avons alors décidé de nous exprimer », rappelle Keiko Ogura, hibakusha qui avait 8 ans en 1945.

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Source : Le Monde.fr

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