Eoliennes à Kamisu, au Japon, le 26 avril 2013.

C’est un peu le monde à l’envers. Au Japon, ce sont les industriels qui poussent à accélérer la transition énergétique. Alors que le gouvernement ambitionne de porter à 24 % la part des renouvelables dans la production d’électricité à horizon 2030, contre 17 % en 2018, un puissant lobby de patrons japonais, le Keizai Doyukai, a demandé, en juillet 2020, que cette part soit portée à 40 %, presque deux fois plus.

Et pour donner du poids à cette recommandation, le président de Sony, Kenichiro Yoshida, aurait indiqué, selon le Financial Times, que, faute d’un engagement massif dans cette direction, il devrait délocaliser ses usines hors du Japon. Plutôt partir que d’utiliser de l’électricité produite à partir de gaz ou de charbon, voilà qui n’est pas banal de la part d’un baron de l’industrie nipponne. M. Yoshida n’a pas été soudainement aveuglé par la lumière de Dieu, comme saint Paul sur le chemin de Damas, mais poussé par certains de ses clients.

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Et notamment Apple. Non contente d’affirmer être déjà neutre en carbone sur ses propres activités depuis 2018, l’entreprise américaine a annoncé en juillet dernier que l’ensemble de ses fournisseurs devraient être 100 % décarbonés d’ici à 2030. Or, Sony fournit dans ses usines japonaises les capteurs photo des iPhone. Non loin de là, le taïwanais TSMC, qui fabrique les puces électroniques d’Apple, a carrément acheté l’intégralité de la production d’un projet d’immense parc éolien maritime, de la capacité d’une centrale nucléaire, construit par le danois Orsted au large des côtes de l’île.

Tâche ardue

Comme Taïwan, le Japon est donc poussé par ses industriels les plus puissants à accélérer la manœuvre. Le message a été compris par le nouveau gouvernement de Yoshihide Suga. Celui-ci a fixé comme horizon la neutralité carbone en 2050, se plaçant ainsi dans les traces de l’Union européenne. Tâche ardue. Le Japon importe plus de 90 % de l’énergie qu’il consomme, et l’accident nucléaire de Fukushima a sérieusement réduit ses ambitions dans l’atome civil.

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Il consomme donc goulûment du gaz, du pétrole et du charbon, livrés par bateau en provenance du Moyen-Orient, d’Australie ou d’ailleurs. Basculer massivement vers l’éolien ou le solaire, comme l’y invitent Sony et ses amis, n’est pas facile compte tenu de la topographie montagneuse du pays et de sa réglementation pointilleuse en ce qui concerne l’usage des terres.

D’où l’interview accordée par le ministre de la réforme administrative, Taro Kono, au Financial Times, vendredi 27 novembre. C’est lui qui a vendu la mèche sur les intentions de Sony, histoire de faire pression sur sa propre administration. Objectif, alléger les demandes d’autorisation pour le solaire et l’éolien, qui ne parviennent pas à se développer en dehors des côtes maritimes. Mais les écologistes ne sont du coup plus tout à fait d’accord et invoquent la menace pour la biodiversité. La route de la transition énergétique est un chemin de roses constellé d’épines.

Source : Le Monde.fr

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