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Publié aujourd’hui à 18h00

Alors que les démocraties sont déchirées par la polarisation du discours politique et une radicalisation favorisant le populisme, le Japon fait figure d’exception. L’Archipel, certes secoué par les errements de la gestion de la pandémie, ignore pour l’instant les turbulences politiques et sociales que connaissent l’Europe et les Etats-Unis.

Les manifestations sont de faible ampleur, la violence de rue et les saccages des biens publics ou privés inexistants, la sûreté des villes reste entière et les grèves passent inaperçues. Stabilité politique, avec un parti dominant au pouvoir depuis des décennies (excepté une parenthèse entre 2009 et 2012), rares signes d’extrémisme : le Japon de ce début du XXIsiècle donne l’image d’une société peu revendicative, sinon atone. A y regarder de plus près, le constat est moins évident : la société est moins homogène et plus diversifiée, voire rebelle au pouvoir, qu’on ne le pense.

Des facteurs plombent assurément la dynamique sociale. D’abord, un sentiment de vulnérabilité : le séisme suivi d’un tsunami en mars 2011, conjugués à la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima due à la négligence humaine, a incité les Japonais à s’interroger sur le mythe de la sécurité fondé sur la technologie entretenu par les dirigeants. La montée en puissance d’une Chine nationaliste dans un contexte géopolitique régional fragile contribue aussi à cette frilosité.

La société change

Le Japon, dont l’expansion dans les années 1960-1980 étonnait le monde, était un pays jeune. Il ne l’est plus. Le vieillissement (les plus de 65 ans représentent 28 % de la population) conjugué à la chute de la natalité contribue à un enlisement de la vie politique. Alors que les séniors votent pour le parti dominant libéral démocrate, les jeunes adultes boudent les urnes (le taux d’abstention aux élections générales d’octobre 2017 a été de 48 %) et ceux qui s’y rendent votent conservateur. La majorité ne se sent pas représentée et ne vote pas.

Ce mutisme électoral qui traduit une désaffection pour les partis reflète une crise des formes classiques de participation politique symptomatique et une perte de confiance dans le système politique chez les jeunes. Mais celle-ci ne se traduit pas par une démission citoyenne. Derrière l’immobilisme du pouvoir, dont témoigne la crise de gouvernance face à la pandémie de Covid-19, la société change.

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Les écarts de revenus se creusent, le précariat augmente et de nouvelles questions s’invitent dans le débat public (inégalités, urgence climatique, parité, minorités sexuelles…). Bien que le Japon soit à la 120e place sur 156 dans le rapport mondial sur l’écart entre les sexes (2021) et que le sexisme reste ancré dans les vieilles générations, les mentalités évoluent et n’acceptent plus ce comportement. Les femmes se font davantage entendre et se dérobent aux contraintes des conventions sociales, les minorités s’expriment et la jeune génération louvoie entre mobilisation et repli sur ce qui la touche directement – repli parfois pathologique avec renfermement sur soi et isolement pendant des mois, voire des années (un état désigné par le terme hikikomori, les emmurés).

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Source : Le Monde.fr

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