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Publié aujourd’hui à 07h00

Les années 1960, au Japon, font trembler le pays sur ses fondations. Durant ce « printemps japonais », grèves et manifestations violentes s’enchaînent sans discontinuer – contre les bases américaines, contre les changements urbains, contre la pollution industrielle… Comme en écho, les artistes aussi se rebellent contre l’ordre établi et la tradition, dans un bouillonnement provocateur et créatif ­inédit. Shomei Tomatsu (1930-2012), figure tutélaire de la photographie japonaise, accompagne par ses images les inventions les plus radicales des avant-gardes de l’époque.

On connaît peu en France cet artiste majeur, à part pour ses images des séquelles de la bombe d’Hiroshima. Son œuvre est pourtant plus variée, et d’une rare puissance expressive – elle sera à découvrir à la Maison européenne de la photographie (MEP), à Paris, au côté de celle de son compatriote Daido Moriyama, lorsque les musées pourront rouvrir.

« Dans la plupart de ses images, on n’a que peu d’information, on ne sait pas bien ce qui se passe. » Simon Baker, directeur de la MEP

Face aux changements politiques et sociaux d’un pays gagné par l’américanisation et l’industrialisation et qu’il ne reconnaît plus, Tomatsu ne se contente pas d’utiliser son appareil pour enregistrer ce qu’il voit, mais s’en sert plutôt pour traduire la réalité dans un nouveau langage et pour ressentir les choses d’une façon neuve. « Il ne voyait aucun avenir dans la photographie documentaire, explique le directeur de la MEP, Simon Baker. Dans la plupart de ses images, on n’a que peu d’information, on ne sait pas bien ce qui se passe. »

Sans jamais appartenir à un des nombreux groupes et collectifs formés dans les années 1960 et 1970, Shomei Tomatsu a été proche de nombre des grandes figures de l’avant-garde japonaise, qui se voyaient pour discuter, débattre et boire des coups dans le quartier chaud de Shinjuku. « Tous ces artistes, qui ne partageaient pas forcément les mêmes idées, formaient une sorte de communauté, à la manière des surréalistes dans le Paris des années 1920 », explique Simon Baker.

Prostrés, nus comme des vers

La performance est alors un moyen d’expression privilégié : Tomatsu accompagne ainsi sept acteurs qui ne se connaissent pas et s’enferme avec eux dans une chambre d’hôtel, la Room 541, pendant quarante-huit heures pour une expérience extrême – ses images où ils finissent prostrés, nus comme des vers, seront publiées dans un magazine en même temps que le compte rendu de leurs échanges.

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Source : Le Monde.fr

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