Au siège de Toshiba, à Tokyo, le 7 avril 2021. Au siège de Toshiba, à Tokyo, le 7 avril 2021.

Pertes et profits. L’excuse est le sport le plus pratiqué au Japon. Le vocabulaire est immense et la gestuelle aussi. Au téléphone, dans la rue, devant les caméras, on s’incline plus ou moins en fonction de la situation. Les dirigeants du conglomérat Toshiba en ont expérimenté toutes les facettes depuis près de six ans. Depuis ce jour de 2015 où un immense scandale comptable a fait vaciller cette vieille dame de 145 ans, autrefois symbole de l’excellence technologique nippone. En ce 18 juin 2021, c’est le président Osamu Yamaga qui a plié le buste. Il reconnaît une « érosion de la confiance » envers son groupe de la part de la communauté financière. Le mot est faible et la contrition n’a pas suffi. Il a été débarqué par l’assemblée générale des actionnaires ce vendredi 25 juin.

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En mars, un actionnaire activiste singapourien, Effissimo demande officiellement une enquête indépendante sur les pratiques de l’entreprise vis-à-vis de ses actionnaires, notamment lors de l’assemblée générale de juin 2020. La direction refuse au prétexte qu’une enquête interne a déjà lavé la direction de tout soupçon de manipulation. Mais à la stupéfaction générale, le trublion obtient la tenue d’une assemblée générale extraordinaire des actionnaires, qui votent majoritairement en faveur de l’enquête.

Des textos et des courriels attestent de la collusion avec les autorités et impliquent notamment l’actuel premier ministre

Et le 10 juin, les trois avocats mandatés livrent leur rapport. Une bombe. Il décrit par le détail comment la direction de l’entreprise s’est entendue avec le puissant ministère de l’économie et de l’industrie (METI) et avec le fonds de pension gouvernemental (le plus grand fonds de retraite du monde), pour bloquer illégalement toute tentative de renversement de la direction par les actionnaires en colère.

Ironie de l’histoire, ils auraient notamment fait pression sur le fonds de l’université de Harvard, qui professe au monde entier les vertus de la bonne gouvernance, pour qu’il s’abstienne lors de ce vote. De plus les cinq millions de voix d’un autre actionnaire récalcitrant ont été volontairement « oubliées ». Des textos et des courriels attestent de la collusion avec les autorités et impliquent notamment l’actuel premier ministre Yoshihide Suga, alors secrétaire général du gouvernement.

Coins sombres

Emotion considérable qui a abouti à la démission de cinq dirigeants, suivant celle du PDG en avril. Et aujourd’hui au départ du président. Cette affaire inspire trois réflexions qui valent bien au-delà du Japon. D’abord, en dépit de plus de dix ans de promesses, la gouvernance des entreprises japonaises reste encore marquée par une méfiance ancestrale vis-à-vis des actionnaires, surtout s’ils sont étrangers. Ceux-ci avaient pourtant été appelés au secours pour sauver l’entreprise lors d’une recapitalisation massive en 2017. Le gouvernement mise en effet sur l’attrait des investisseurs internationaux pour doper la croissance du pays.

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Source : Le Monde.fr

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