A Tokyo, le 23 juin 2017. A Tokyo, le 23 juin 2017.

Pertes et profits. Il n’y a pas que dans l’Hexagone que les loups activistes s’attaquent à des symboles. Danone en France, Toshiba au Japon. Le fonds singapourien Effissimo a obtenu, jeudi 18 mars, en assemblée générale (AG) extraordinaire du groupe japonais, la mise en place d’une commission d’enquête sur les circonstances douteuses des votes lors de la dernière AG annuelle, le 31 juillet 2020. Il est déjà exceptionnel, dans ce pays, qu’un activiste puisse obtenir une telle réunion, mais il est encore plus rare que ses demandes soient approuvées par les autres actionnaires. Une humiliation de plus pour le samouraï déchu, soudain abandonné par ses maîtres. Ce n’est pas la première fois.

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Au seuil des années 2000, Toshiba était un peu le Siemens nippon. Sa marque brillait sur tout ce qui était moderne : les machines à laver, les ordinateurs, les scanners médicaux, les machines-outils de précision et les centrales électriques. Toshiba avait inventé les mémoires flash, les écrans plats et incarnait le Japon du XXIe siècle. En dix ans, la firme s’est délestée de presque tout cela : de ses puces électroniques, de ses appareils médicaux, de son électroménager, de ses ordinateurs, de ses téléviseurs et de son nucléaire. Reste une entreprise spécialisée dans les infrastructures électriques, à la santé précaire et la réputation à reconstruire.

Squelette fragile

Les malheurs se sont concrétisés en 2015 par la révélation d’un scandale comptable considérable. Les profits avaient été gonflés de plus d’un milliard d’euros durant près de sept ans. Puis, en 2017, la société a fait face à la déconfiture de sa filiale Westinghouse, le constructeur américain de centrales nucléaires, dont la technologie a inspiré les centrales françaises d’EDF. Toshiba avait mis la main sur cette pépite en 2007 pour 5,4 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros, au cours actuel). Il devra vendre ses plus beaux joyaux – les puces électroniques, le matériel médical – pour éponger des pertes colossales.

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C’est à ce squelette fragile que s’est attaqué le fonds singapourien. Il est entré à la faveur d’une augmentation de capital de près de 5 milliards d’euros en 2017 destinée à restaurer le bilan et éviter l’humiliation d’une sortie de la Bourse. Toshiba n’aura pas à subir cette honte, mais verra arriver des activistes qui lui mordent désormais les mollets – Effissimo, à la réputation sulfureuse, ainsi qu’un activiste américain, Farallon, qui a, lui aussi, déposé une motion, rejetée celle-là. Le phare de la modernité nippone apprend, les difficultés aidant, que ce monde moderne est aussi celui d’un autre rapport avec les actionnaires.

Source : Le Monde.fr

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