La statue « La Fille de la paix », des sculpteurs sud-coréens Kim Un-seong et Kim Seo-kyeong, devant l’ambassade du Japon à Séoul, le 29 février 2015. La statue « La Fille de la paix », des sculpteurs sud-coréens Kim Un-seong et Kim Seo-kyeong, devant l’ambassade du Japon à Séoul, le 29 février 2015.

Les pressions et les menaces de la mouvance nationaliste japonaise ont eu raison de l’exposition « Non-liberté d’expression », qui critique le passé militariste japonais ou encore les non-dits de drames récents, comme la catastrophe nucléaire de Fukushima. Prévue à Tokyo du 25 juin au 4 juillet, elle a été annulée la veille de son ouverture. « Ce n’est qu’un report. Nous sommes convaincus que l’événement aura lieu », veut croire l’organisatrice, Yuka Okamoto, qui envisage une action en justice.

Le projet devait initialement se dérouler à la Session House, un espace privé de Tokyo. Le propriétaire a renoncé début juin, épuisé par les pressions et les menaces : des militants d’extrême droite ont manifesté bruyamment devant le bâtiment ; des appels et des messages haineux voire menaçants se sont multipliés, alors que la police restait discrète, se limitant à demander aux protestataires de baisser le volume. Après l’annulation de l’événement dans cet espace, un nouveau lieu avait été trouvé et tenu secret jusqu’au dernier moment. Mais, par crainte d’un incident, le propriétaire a lui aussi fini par se désister.

Tabous de l’histoire japonaise

L’exposition présente un contenu sensible, à commencer par Le Paysage sonore de Fukushima, de Koji Nagahata, Perspective de maintien – une critique du système impérial –, du vidéaste Nobuyuki Ooura, ou La Fille de la paix, des sculpteurs sud-coréens Kim Un-seong et Kim Seo-kyong. Cette statue figure une femme dite « de réconfort », un euphémisme pour qualifier les femmes forcées de se prostituer pour l’armée impériale nippone. Initialement installée devant l’ambassade du Japon à Séoul, elle a été reproduite et érigée dans plusieurs pays, dont l’Allemagne et les Etats-Unis, et se veut un symbole contre les violences faites aux femmes pendant les guerres.

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Ces œuvres touchent aux « tabous d’hier et d’aujourd’hui de l’histoire du Japon et témoignent de la montée du révisionnisme dans l’Archipel », explique Mme Okamoto. Certains de ces tabous sont liés à la seconde guerre mondiale, comme le massacre de Nankin (Chine), en 1937, ou concernent les femmes « de réconfort ». D’autres sont plus récents : la catastrophe nucléaire de Fukushima, en 2011, le système impérial ou le débat sur l’article 9 de la Constitution japonaise, mentionnant le renoncement à la guerre, que les nationalistes, à commencer par l’ancien premier ministre Shinzo Abe (2012-2020), aimeraient supprimer.

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Source : Le Monde.fr

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