Avec Shinichiro Ogata, le Japon à l’état pur s’installe à Paris

Shinichiro Ogata dans sa boutique parisienne, le 17 décembre.
Shinichiro Ogata dans sa boutique parisienne, le 17 décembre. Marion Berrin pour M Le magazine du Monde

Pour entrer dans l’univers de Shinichiro Ogata, il faut d’abord trouver la porte. Ce qui n’est pas chose aisée, tant ce Japonais, restaurateur passionné de thé et designer d’intérieurs et d’objets, a le don de s’effacer derrière ses créations et d’en dissimuler savamment les accès. Une façon de faire typiquement nippone : se laisser découvrir plutôt que se ­donner à voir de manière ostentatoire. D’ailleurs, ce n’est sûrement pas un hasard s’il a choisi l’une des ruelles les plus discrètes et sinueuses de Paris, la rue Debelleyme, dans le haut Marais, pour installer sa première adresse hors de son archipel, inaugurée il y a quelques jours.

Une fois déniché, au détour de la rue Vieille-du-Temple, en retrait des enseignes de mode et de l’activité bourdonnante de ce quartier branché, le lieu se révèle magistral, baignant dans une quiétude faite de contrastes et de ­géométries subtiles, jouant sur les lumières et les ombres, le yin et le yang, les hauteurs et les ­longueurs, les déclinaisons de gris et de bois sombre obtenues par le travail de la pierre brute non polie, des sols en tomettes noires et du plâtre shikkui (chaux et poussière de coquilles d’œufs).

La boutique d’artisanat.
La boutique d’artisanat. Marion Berrin pour M Le magazine du Monde

C’est là, sur quatre niveaux imbriqués les uns dans les autres, dans un ancien hôtel particulier du xviie siècle qui a subi de minutieuses rénovations, que Shinichiro Ogata a souhaité rassembler toutes les facettes de sa vision esthétique, spirituelle et sensitive. Ici, tout en s’imprégnant d’une atmosphère sereine, élégante et pure, signature de l’architecture d’intérieur selon Ogata, on peut déguster des thés, des spiritueux raffinés et des mets japonais salés et sucrés mais aussi admirer et acheter des meubles, des ustensiles et des objets décoratifs d’une folle ­délicatesse.

Au Japon, l’homme et ses créations sont partout, et ce depuis déjà deux décennies, même s’il reste méconnu du grand public – ce qui n’est évidemment pas pour lui déplaire. Simultanément à la création de son studio de design Simplicity, il a ouvert Higashi-Yama, sa première adresse à Tokyo, en 1998. Caché derrière une façade en pierre dans le quartier de Nakameguro, cet élégant bar-restaurant allie minimalisme et douceur de vivre. Éclairages tamisés, mobilier moderniste, calligraphies, jardin intérieur et menu tout en retenue (poissons crus et bouillons, salades fraîches, tempuras et autres classiques subtilement réinventés).

Le bar.
Le bar. Marion Berrin pour M Le magazine du Monde

L’effet est saisissant : après un repas et un verre au bar Higashi-Yama, on se sent à la fois hors du temps, hors de la ville, et pourtant au cœur de l’âme japonaise. C’est là tout l’art d’Ogata-san : marier le décor, les objets, l’ambiance et les saveurs pour convoquer une expérience totale de son univers, une vision très personnelle qu’il aime désigner par le terme « sahô », littéralement « manière de faire », mais aussi « état d’être ». « Le sahô est l’ensemble de ce que nous sommes et de ce que nous faisons, explique-t-il. Toutes mes créations visent à transmettre ce sahô, l’harmonie du tout et la sensibilité du quotidien. »

Source : Le Monde.fr

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