Le temps de Kinkakuji à Kyoto, Japon, en 2007. Le temps de Kinkakuji à Kyoto, Japon, en 2007.

Le Français Clément Sans est récemment devenu moine zen, ordonné sous le nom de Tozan (« la montagne du pêcher »). Chaque mois, il nous envoie une lettre qui nous fait partager ses réflexions et son quotidien singulier, presque hors du temps. Après deux ans passés au temple Antai-ji, dans les montagnes de l’île de Honshu, il poursuit désormais sa pratique à Kyoto, l’ancienne capitale impériale du Japon.

Lettre de juin. Avec un peu d’avance, le Japon est entré dans la saison des pluies. A l’image des brouillards monochromes dessinés sur les portes coulissantes des temples et s’étalant sans limites, l’humidité et la moiteur enrobent désormais tout.

Les iris et les hortensias ont remplacé les roses azalées, donnant aux parcs des airs enfantins. Les nuages couvrent le ciel, semblant vouloir protéger les mousses qui s’enfoncent dans un vert aussi pétillant que celui des lucioles dans les canaux striant la ville. Une saison parfaite pour nous rappeler que l’eau est omniprésente dans le bouddhisme japonais.

Nettoyer les scories de l’esprit

Dans la vie d’un temple zen, l’eau est en effet consacrée à différents niveaux. Chaque jour, dans la nuit du matin, avant le début des premières liturgies, de l’eau fraîche est systématiquement versée dans toutes les petites tasses positionnées face aux statues du Bouddha, sur l’autel. Par cet acte symbolique, les impuretés de la veille sont éliminées, à l’image des soutras et de la méditation, qui nettoient le pratiquant des scories de l’esprit.

Tout comme l’eau, coulant du haut vers le bas, la compassion active du Bouddha se répand des sommets de l’éveil spirituel aux espaces de la mondanité la plus inférieure, permettant à chacun d’atteindre la libération, rappelant la verticalité évoquée par ce vieil adage parfois utilisé dans la tradition zen : « Savoir s’élever jusqu’au Bouddha, et s’abaisser face à un nourrisson. »

Après le repas des moines, les bols sont méticuleusement rincés à l’eau chaude, le moine nettoyant par là même son esprit. Au moment des réunions communes, nous buvons le thé, dont la qualité est évidemment conditionnée par une bonne eau, de préférence douce et peu minéralisée, suivant un temps d’infusion précis.

Pour se rincer le visage le matin ou aller aux toilettes, la règle des temples impose de s’incliner face à une statue de Battabara, divinité consacrée à la salle de bains, cette « salle du silence ». Avant d’entrer dans le bain à proprement parler, le moine se prosterne trois fois sur le sol, effectuant une cérémonie reposant sur une récitation que nous pourrions traduire comme suit : « Baigner le corps, faire en sorte que tous les êtres vivants soient propres de corps et d’esprit, purs et illuminés, à l’intérieur comme à l’extérieur » (« Nyuyoku no ge »).

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Source : Le Monde.fr

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