A Kabukicho (Tokyo), une performeuse burlesque dans un bar de nuit désormais fermé, le 25 avril.
A Kabukicho (Tokyo), une performeuse burlesque dans un bar de nuit désormais fermé, le 25 avril. KIM KYUNG-HOON / REUTERS

Dans les petites rues scintillantes de lumières, mais étrangement silencieuses du quartier nocturne de Kabukicho à Tokyo, des policiers à pied invitent courtoisement les rares égarés en ce lieu à rentrer chez eux après 22 heures. D’autres patrouillent en voiture, avançant au ralenti, gyrophare allumé.

Ce lundi 25 mai, première soirée après la levée de l’état d’urgence sur l’ensemble de l’Archipel, qui avait été décrété le 7 avril, le monde de la nuit peine à se dégager de son engourdissement. « Nous serons les derniers à sortir du tunnel », dit, amer, le rabatteur d’un cabaret. La rue est quasiment vide. Seuls des jeunes déambulent en quête, disent-ils, d’une boîte de nuit ouverte. Mais il n’y en a pas.

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Cette morne atmosphère conjuguée à la surveillance policière est symptomatique du double préjudice dont les quartiers de la nuit sont victimes : touchés comme d’autres secteurs par le ralentissement de l’activité, ils ont aussi été mis à l’index comme un des foyers de contamination par le Covid-19, à la suite des mises en garde maladroites de la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, donnant à penser que le risque d’infection y était plus grand qu’ailleurs.

Formant un carré de six cents mètres de côté, Kabukicho et ses alentours, dans l’arrondissement de Shinjuku, est le quartier chaud le plus frénétique de la capitale, où se côtoient le pire comme le meilleur de la nuit. La promiscuité y est effectivement forte. Les samedis soir, de 80 000 à 100 000 personnes, hommes et femmes, de tout âge et de toute condition, déambulent au coude à coude dans les petites rues aux milliers de bistrots, bouis-bouis, bars, karaoké, cabarets, discothèques et établissements de sexe tarifé.

« On doit fermer à l’heure où la nuit commence »

Foire aux fantasmes masculins, le quartier compte aussi une trentaine de clubs – des plus rentables, à voir leurs gigantesques enseignes publicitaires – destinés aux femmes. Dans ces « host club » (club d’hôtes), des escouades de jeunes hommes prennent soin pour une soirée – ou une nuit – d’esseulées, jeunes ou moins jeunes, ou de copines en goguette.

Depuis le 7 avril, les myriades d’enseignes lumineuses montant à l’assaut des façades des immeubles où se nichent à chaque étage un bar ou un club sont partiellement éteintes. En fin de soirée, ce lundi, le quartier où bat le pouls de la nuit tokyoïte était engourdi comme il l’est en temps normal au petit matin, lorsque les clients de quelque 200 hôtels pour couples sans bagages du quartier et l’arrière-garde de la faune de la nuit, filles et transgenres au fard défait, se pressent pour prendre le premier métro.

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Source : Le Monde.fr

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