Photographie d’Adolfo Farsari (1841-1898), représentant un homme tatoué, au Japon, pendant l’ère Meiji (1868-1912). Photographie d’Adolfo Farsari (1841-1898), représentant un homme tatoué, au Japon, pendant l’ère Meiji (1868-1912).

Lorsque l’on associe tatouage et Japon, l’image des yakuzas, ces mafieux au corps couvert de motifs décoratifs, s’impose. Dans les films de Takeshi Kitano, les criminels les arborent comme autant de signes de force et de courage, l’étendue des inscriptions témoignant de leur capacité à résister à la douleur.

« Il y a bien un lien entre tatouage et criminalité, mais, dans la tradition nipponne, cet ornement corporel a des significations beaucoup plus complexes », rectifie Adrien Bossard, directeur du Musée départemental des arts asiatiques, à Nice, qui présente une élégante exposition intitulée « Tatouages du monde flottant. Le corps imagé au Japon ». Elle propose un riche choix d’estampes, de récits de voyage, de photos, d’affiches de films, d’objets et d’œuvres d’art contemporain, tous issus de la collection particulière d’un passionné, Xavier Durand, co-commissaire avec le directeur de l’établissement.

L’originalité de l’exposition est d’aborder le sujet du point de vue de sa représentation artistique, en remontant jusqu’à l’époque Edo (1603-1868). A cette période où le pays est replié sur lui-même, le tatouage est très présent parmi les gens du peuple. L’encre est utilisée en prison pour graver des « marques infamantes » sur les bras ou le visage des repris de justice. Sur une lithographie extraite du Guide illustré des châtiments du shogunat des Tokugawa de 1893, on voit ainsi un homme, le visage grimaçant de douleur, se faire marquer le bras de deux bandes noires signifiant le délit qu’il a commis.

Signe de fidélité

Les hommes exerçant des métiers physiques qui exigent de la force, tels les charpentiers ou les pompiers, exhibent volontiers leur musculature où s’entrelacent, dans des décors grandioses, animaux réels ou mythiques, personnages légendaires et autres figures fantastiques. On en trouve de nombreuses représentations sur des estampes ukiyo-e, œuvres sur papier reflétant la culture urbaine de l’époque – les premiers maîtres tatoueurs furent d’ailleurs des graveurs sur bois travaillant pour les grands peintres. Les artistes trouvent aussi l’inspiration dans la littérature et ses héros populaires tatoués, tels Kyumonryu Shishin au corps orné de neuf dragons ou Kaosho Rochishin, le bonze dit « fleuri », issus d’un roman d’origine chinoise à succès, Au bord de l’eau.

Lire aussi (2009) : Sur les chemins de l’estampe

Peu répandu parmi les femmes, le tatouage concerne cependant une catégorie de la population féminine, les courtisanes. Pour signifier leur attachement à l’un de leurs clients, celles-ci se faisaient inscrire sur le bras un « tatouage de serment » (kishobori), garant d’exclusivité, comme l’illustre une estampe de Kitao Shigemasa (1739-1820). On y voit une prostituée, assise à côté d’un homme qui l’enlace, relever la manche de son kimono pour lui montrer son signe de fidélité.

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Source : Le Monde.fr

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