Pour quiconque est familier du Japon, nos polémiques actuelles qui entremêlent la question du port de l’uniforme, celle du harcèlement scolaire et celle du renforcement de l’enseignement du civisme à l’école résonnent étrangement. Ces trois sujets sont en effet, et depuis longtemps, au cœur des débats sur l’éducation dans ce pays et l’antériorité de l’expérience japonaise n’est pas sans enseignements quant à la manière de penser ces thèmes et de les traiter, mais aussi quant à la façon dont ils peuvent être connectés, interagir ou… se contrarier. Trois enseignements nous semblent notamment pouvoir en être tirés.

Le port de l’uniforme s’est généralisé après-guerre au Japon au regard du principe d’égalité, érigé en vertu cardinale du nouveau système éducatif imposé par l’occupant américain. S’il ne concerne pas les élèves de l’école élémentaire publique (qui accueille près de 99 % des écoliers), il est en revanche la règle dans la quasi-totalité des collèges et des lycées, publics comme privés. Quelles leçons peut-on en tirer ?

Tout d’abord, et cela dès la mise en place de cette obligation, que les élèves, garçons comme filles, qui ont voulu marquer leurs différences, ont rapidement trouvé des moyens de le faire : en remontant leur jupe ou leurs manches, en élargissant la forme des jambes du pantalon, en descendant les chaussettes, en modifiant leur coiffure, etc.

Ensuite, que d’autres règlements ont alors dû être mis en place par les établissements pour circonscrire ces détournements d’uniformes : tailles et longueurs imposées au centimètre près, mais aussi forme et couleur des sous-vêtements, longueur et coupe des cheveux, interdiction des bijoux, etc. Enfin, que toutes ces mesures, productrices de normes imposées à tous jusque dans ce qui relève de l’intime, ont été en retour vecteurs d’exclusion et de brimades pour les « hors norme » : obligation de présenter un certificat pour les élèves naturellement frisés, élèves mis à l’écart pour un teint de peau plus sombre, obèses malmenés, etc.

Le premier enseignement de l’exemple japonais est que l’imposition de l’uniforme scolaire ne résout rien en matière d’égalité – sinon en façade –, peut être contournée, ne se suffit pas à elle-même, appelle d’autres règlements contraignants et peut être à son tour productrice de dérives.

Hausse des cas de brimades

La question du harcèlement est, depuis longtemps également, considérée au Japon comme un véritable fléau national. Le système éducatif japonais est pourtant hypercontrôlé, les élèves portent majoritairement l’uniforme, les règles de comportement dans et hors de l’école sont strictes, l’éducation est au centre des préoccupations de la quasi-totalité des familles, la société japonaise est une des plus sécuritaires du monde, la délinquance juvénile et la criminalité en général y sont à des niveaux qui seraient considérés comme idéaux chez nous.

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Source : Le Monde.fr

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