Un piéton passe devant un grand écran montrant une émission d’actualités mettant en vedette l’ancien chef de Nissan Carlos Ghosn à Tokyo le 9 janvier 2020. Le ministre japonais de la Justice a exhorté Carlos Ghosn à revenir et à plaider sa cause devant le tribunal, après que l’ancien magnat de l’automobile a fuit au Liban.
Un piéton passe devant un grand écran montrant une émission d’actualités mettant en vedette l’ancien chef de Nissan Carlos Ghosn à Tokyo le 9 janvier 2020. Le ministre japonais de la Justice a exhorté Carlos Ghosn à revenir et à plaider sa cause devant le tribunal, après que l’ancien magnat de l’automobile a fuit au Liban. BEHROUZ MEHRI / AFP

Analyse. La fuite au Liban de Carlos Ghosn a suscité au Japon moins de débats qu’à l’étranger. Même sa théâtrale conférence de presse à Beyrouth, mercredi 8 janvier, n’a pas donné lieu à de longs commentaires : pour le quotidien Asahi Shimbun, le patron d’industrie déchu n’a apporté aucun élément nouveau pour étayer sa thèse d’un complot ourdi contre lui.

Une affaire mettant en cause le contrôle policier de personnes en liberté surveillée, qui, dans une autre démocratie, aurait provoqué une crise politique, n’a guère entraîné de réaction scandalisée. Les rebondissements rocambolesques d’une fuite digne de l’évasion de Papillon dans le livre d’Henri Charrière, qui s’échappa du bagne en Guyane, suscitent en revanche un intérêt soutenu chez les Japonais plus intéressés par le feuilleton de cette saga judiciaire.

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Le long mutisme des autorités est à mettre au compte du travers connu d’un pays si ordonné qu’il ne sait pas réagir à l’imprévu – surtout quand cet imprévu le met en difficulté. La fuite de Carlos Ghosn ne semble pas avoir été un risque sérieusement envisagé par la police en dépit des mises en garde du parquet faisant valoir qu’en raison des moyens à sa disposition (argent et réseaux), il pouvait s’enfuir. Il est vrai qu’au Japon les personnes en résidence surveillée ne s’enfuient pas : la plupart n’ont pas les moyens de perdre la caution déposée (4 millions d’euros dans le cas de M. Ghosn qui s’ajoutent aux 8 millions versés à sa première sortie de prison). Bien que sévères, ses conditions de résidence surveillée n’en étaient pas moins un régime de faveur, en raison de la relative liberté de mouvements autorisée.

Une diversité d’opinions

Les réactions des Japonais à l’affaire infirment un préjugé répandu à l’étranger qui veut qu’ils soient conformistes, qu’ils pensent tous dans le même sens et plient devant l’autorité. Les commentaires qui circulent sur les réseaux sociaux ou dans les médias témoignent au contraire d’une diversité d’opinions loin d’être frileusement dans la ligne.

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Certains ont applaudi l’audace de l’ancien patron du groupe Renault-Nissan-Mitsubishi : c’est le cas de Horie Takafumi, homme d’affaires qui a payé de deux ans de prison une sombre manipulation boursière : « Carlos Ghosn a bien fait de partir, sinon il en aurait eu jusqu’à quatre-vingts ans de démêlés avec la justice. »  D’autres ont manifesté de la sympathie au patron déchu victime des carences d’un système de garde à vue peu respectueux de la présomption d’innocence. Depuis des décennies, des juristes dénoncent ce système. Sans grand écho. Il a fallu qu’une personnalité connue, et étrangère, en soit victime pour qu’on s’émeuve de Paris à Washington.

Source : Le Monde.fr

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