Takashi Murakami, qui a multiplié les collaborations avec la mode, au défilé Louis Vuitton, à Paris, le 16 janvier 2020.

Connu pour ses fleurs hilares et son esthétique naïve inspirée des mangas, l’artiste japonais Takashi Murakami espérait encore à 58 ans réaliser ses rêves d’enfant. La quasi-faillite de sa société de production de films et de dessins animés, qu’il a lui-même annoncée, le 1er juillet, à ses 2 millions d’abonnés Instagram, l’oblige à renoncer à son grand œuvre : le deuxième volet de son long-métrage, baptisé Jellyfish Eyes (« les yeux de la méduse »), sur lequel il planchait depuis neuf ans.

Cet aveu d’échec, mis en scène dans une vidéo de quinze minutes ponctuée d’émoticônes « snif-snif », marque peut-être aussi la fin d’une étrange période où rien n’était trop beau, trop grand, trop cher pour quelques vedettes du marché de l’art. Vingt années durant, d’immenses fortunes, comme François Pinault, de prestigieuses institutions culturelles, telles que le château de Versailles, de mégagaleries ainsi que la maison Louis Vuitton ont déliré à l’unisson, fascinés par les couleurs psychédéliques du Japonais. Après l’Américain Jeff Koons, lequel a lui-même plus discrètement licencié une douzaine d’assistants en 2019, Murakami tombe de son piédestal, obligeant à repenser un art contemporain purgé de ses excès.

Dans son étrange confession filmée, l’artiste nippon nomme son briseur de rêve : le Covid-19. La pandémie, dénonce-t-il, aurait mis à bas la petite entreprise où s’activaient une centaine d’assistants, menés à la baguette. Le virus a bon dos, toutefois. Depuis longtemps déjà, le businessman est sous tension. En 2010, il nous confiait : « Mon objectif, c’est la survie de ma firme. » Dans un autre post Instagram, publié le 2 juillet, l’entrepreneur boulimique ajoutait : « Le risque a été une constante de mes fins de mois. »

Star planétaire

Fils d’un chauffeur de taxi tokyoïte et d’une femme au foyer, Murakami rêvait de travailler dans l’industrie du dessin animé. Il trouve finalement sa voie en bifurquant dans l’art. Il mixe alors les codes du manga avec ceux de la peinture traditionnelle, le nihonga, réplique nippone au pop art américain. À la manière d’un Walt Disney, l’artiste a créé des personnages. À la jeune fille aux seins débordants de lait nommée Hiropon, du nom d’un stupéfiant interdit au Japon depuis 1952, répond l’année suivante My Lonesome Cowboy, jeune homme éjaculant un lasso de sperme. Ébauché dès 1993, et décliné en de nombreux produits dérivés, le personnage de Mr Dob s’apparente à un Mickey Mouse énervé.

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Source : Le Monde.fr

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