Coucher de soleil sur Tokyo, le 1er juillet 2022. Coucher de soleil sur Tokyo, le 1er juillet 2022.

LETTRE DE TOKYO

A la traîne des pays du G7, le Japon a commencé à rouvrir au compte-gouttes ses frontières aux visiteurs étrangers après avoir pris des mesures drastiques de fermeture du pays à la suite du variant Omicron du SARS-CoV-2 fin 2021. Ces mesures ont été largement soutenues par l’opinion publique au point que l’étranger y a un vu une nouvelle période de « fermeture du pays » (sakoku) comme celle que connut le Japon du début du XVIIe siècle jusqu’à l’arrivée en 1854 au large du futur port de Yokohama des canonnières du commodore américain William Perry qui contraignait le shogunat à ouvrir l’Archipel.

L’activisme diplomatique de Tokyo contraste en fait avec un sentiment mitigé dans le regard porté par les Japonais sur l’étranger tel qu’il perce dans les conversations ou le courrier des lecteurs des journaux. La Chine fait peur assurément. Mais les Etats-Unis et l’Europe, secoués de crises et de poussées de violence, ne font plus rêver. L’Archipel, non exempt de problèmes de société, jouit d’une stabilité qui détonne parmi les pays avancés. En outre, comme ailleurs, des doutes se font jour sur cette mondialisation « bienfaisante » dont le Forum économique mondial de Davos se voulait la grand-messe.

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Pour les Japonais, les périodes de repli sur soi de l’Archipel n’ont pas toujours été sombres. Et la trajectoire vers la modernisation elle-même connut une alternance cyclique de phases d’ouverture xénophile et de retour du tropisme nippon.

Au début du XVIIe siècle, le Japon se ferme à l’étranger pour se préserver de l’influence potentiellement subversive de la foi chrétienne diffusée par des missionnaires espagnols et portugais. Il éradiqua le christianisme et boucla l’Archipel. Mais ce n’est qu’au XIXe siècle qu’apparut le mot sakoku ( « pays enchaîné ») dans la traduction, tirant sur le sens de l’expression « fermeture du pays » figurant dans les écrits du savant naturaliste et médecin allemand Engelbert Kaempfer (1651-1716). L’expression resta. Mais elle est trompeuse.

Fermé, l’Archipel le fut… partiellement. Kaempfer résida de 1690 à 1692 dans l’enclave hollandaise de Nagasaki autorisée à faire du commerce pour la compagnie des Indes orientales. Le Japon gardait en outre le contact avec la Chine et la Corée via le royaume des Ryukyu (Okinawa) et l’île de Tsushima et de deux autres « fenêtres » sur l’extérieur.

Deux siècles et demi d’isolement

A l’époque, la Corée et la Chine aussi étaient « fermées ». Mais le Japon eut l’intelligence grâce à l’enclave de Nagasaki de se tenir informé de l’avancée des sciences en Europe. Ce que l’on appela « Les études hollandaises » constitua un apport important qui lui permit de basculer aussi rapidement dans la modernité au contact d’un Occident qui découvrait, fasciné, une civilisation à bien des égards avancée.

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Source : Le Monde.fr

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