L’architecte japonais Kengo Kuma au musée du design V&A Dundee, qu’il a conçu, à Dundee (Ecosse), le 12 septembre 2018.

Il est rare qu’un auteur ne souhaite pas infléchir ou nuancer ce qu’il a écrit une dizaine d’années auparavant. C’est le cas de l’architecte Kengo Kuma, dont le livre L’Architecture naturelle (Arléa, 208 pages, 15 euros), publié en 2008 au Japon, a été récemment traduit en français. « L’évolution du monde – réchauffement climatique et destruction de l’environnement – confirme au contraire mes intuitions de l’époque. Nous devons plus que jamais sortir des boîtes de béton et d’acier que sont nos constructions, et renouer le lien entre nature et architecture », assure-t-il.

De la terrasse de son bureau, au dernier étage d’un petit immeuble cubique du quartier chic d’Aoyama à Tokyo, on voit, au loin, des tours parties à l’assaut du ciel. Suivant notre regard, il sourit : « Oui, c’est cela qu’il faut éviter. Nous devons changer la texture de la ville, penser autrement l’architecture. »

L’un des plus célèbres et prolifiques architectes, dont les réalisations s’égrènent à travers le monde – en France, la Cité des arts de Besançon ou le Conservatoire d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), et, bientôt, la galerie de protection des sculptures polychromes du portail de la cathédrale Saint-Maurice d’Angers –, a aussi réalisé le monumental stade national pour les Jeux olympiques de Tokyo de 2020, repoussés, en principe, à l’été 2021.

Lire l’entretien avec Kengo Kuma (2018) : « L’architecture est une séquence qui ne s’arrête pas »

En dépit de son gigantisme (60 000 places), le stade n’en porte pas moins sa griffe : 2 000 mètres cubes de cèdres venus de toutes les régions du Japon ont été utilisés pour la voilure et « la ventilation est entièrement naturelle, avec des ventilateurs d’appoint », précise-t-il. Une approche dont l’architecture post-Covid pourra s’inspirer pour des bâtiments qui « respirent », où l’air circule.

« Le règne du ténébreux béton »

« Au XXe siècle, des techniques nouvelles ont enivré les architectes et favorisé une propension encore jamais atteinte à la monumentalité, en asservissant davantage les humains à la loi de la rentabilité. Ce fut, à mon sens, la plus grande faillite de l’architecture du XXsiècle, poursuit-il. Dure et rigide, cette architecture a banni le rêve : elle emprisonne, engendre le stress. C’est la tâche des architectes de ce siècle de renouer avec une conception plus souple, plus humaine de leur travail. Au XXe siècle, on a été fasciné par la forme, le style, mais on a ignoré les détails. La génération d’architectes à laquelle j’appartiens a appris, à l’université, les techniques de construction en béton, les armatures d’acier, comme s’il fallait unifier le monde sous la férule d’une seule technique. Mais rien du savoir traditionnel ; il passait pour l’ennemi de la modernité. Et ce fut le règne du ténébreux béton qui banalise le paysage urbain. »

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Source : Le Monde.fr

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