« Au Japon, les liens de la secte Moon avec l’aile droite du Parti libéral-démocrate de Shinzo Abe sont tabous »

« Je ne l’ai pas tué parce que j’étais opposé à ses convictions politiques, mais à cause de ses liens avec l’Eglise de l’unification », aurait confessé à la police Tetsuya Yamagami. L’assassin présumé de Shinzo Abe, l’ancien premier ministre du Japon, haïssait cette Eglise qui avait endoctriné sa mère : elle avait poussé cette dernière à lui faire don de tous ses biens et avait détruit leur famille. En abattant cette figure éminente de la vie politique japonaise, Tetsuya Yamagami a voulu attirer l’attention du public sur les injustices que l’Eglise de l’unification commet depuis des décennies.

Curieusement, au Japon, les grands médias n’ont pas mentionné le nom de l’Eglise et se sont limités à parler d’« une organisation spécifique » jusqu’à ce que soient passées les élections qui se sont tenues deux jours plus tard. Pourtant, auparavant, les médias japonais avaient largement couvert les pratiques prédatrices de celle qu’on appelle aussi la « secte Moon ». Mais ses liens avec l’aile droite du Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir, dont Abe était le leader incontesté, sont tabous. Cette dissimulation jusqu’à la fin d’un scrutin remporté sans surprise par le PLD, témoigne de l’influence du groupe religieux sur la vie politique nippone et de la capacité du parti d’Abe à museler les médias.

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Comme beaucoup d’autres « nouvelles religions » (au Japon, ce sont toutes les religions fondées depuis le XIXe siècle, par opposition aux religions traditionnelles telles que le bouddhisme et le catholicisme), l’organisation du révérend Moon a gagné du terrain dans l’après-guerre, période de croissance économique et d’urbanisation rapide. Et comme les autres mouvements religieux qui défendaient des politiques ultraconservatrices anticommunistes, elle a noué des liens avec le PLD, qui dirige le Japon depuis des décennies sans aucune interruption ou presque. Chaque côté en a retiré des bénéfices tout au long de la guerre froide. Au Japon, les nouvelles religions sont souvent considérées comme peu légitimes. La participation de dirigeants politiques conservateurs importants à leurs événements et à leurs publications leur a apporté quelque autorité et crédibilité. Les membres du PLD, de leur côté, y ont gagné les voix des adeptes des organisations religieuses.

Influence croissante

Les problèmes sociaux causés par de tels groupes religieux dans les années 1980 et 1990 – certains membres se faisant endoctriner et ruiner, leurs familles se déchirant – ont culminé lors de l’attentat au gaz sarin perpétré par la secte Aum, dans le métro de Tokyo, en 1995. Avec la couverture médiatique très négative de ces dérives et la fin de la guerre froide, les nouvelles religions ont été de plus en plus stigmatisées, et leur intérêt pour le monde politique a semblé décliner sans pour autant disparaître. L’introduction du système de vote unique non transférable aux élections législatives de 1996 et le réalignement des partis politiques qui s’est ensuivi avec l’émergence d’un système bipartite plus compétitif, ont encouragé les groupes religieux à proposer de nouveau leurs services à la droite.

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Source : Le Monde.fr

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