Photo extraite de la série « Ecologie négative », de Tamaki Yoshida. Photo extraite de la série « Ecologie négative », de Tamaki Yoshida.

Au départ, c’était un peu un pari : organiser un festival de photographie inspiré des rencontres d’Arles dans l’ancienne capitale impériale, berceau identitaire et ville fièrement refermée sur sa tradition, d’un Japon qui a des photographes de renom mais peu de manifestations consacrées à la photographie. Au fil des années, Kyotographie, créée en 2013, s’est imposé comme un événement à la fois japonais et international qui a permis d’exposer autour d’un thème différent chaque année de grands noms de la photographie et de découvrir de nouveaux talents venus de tous les horizons, présentés au fil de scénographies originales dans des sites patrimoniaux de Kyoto.

« Hojo », photographie de Mayumi Suzuki. « Hojo », photographie de Mayumi Suzuki.

Pour la dixième édition, qui se tient jusqu’au 8 mai, Lucille Reyboz et Yusuke Nakanishi, fondateurs de la manifestation, ont placé le festival sous le signe « One », consacrant à la fois « l’unicité de chaque individu et la collectivité dans sa diversité ». Le festival fait découvrir de nouvelles créations, comme Born-Act-Exist de l’Espagnole Isabel Muñoz avec le danseur Min Tanaka, étonnant ballet dans l’onde marine, mais il met surtout à l’honneur le travail de dix Japonaises photographes, sous le titre « 10/10 Celebrating Contemporary Japanese Women Photographers ».

Présentées ensemble, ces séries, dont certaines sont vues pour la première fois, font découvrir un pan méconnu de l’histoire de la photographie au Japon. « Longtemps, nous avons vu le Japon à travers les yeux des hommes, estime Pauline Vermare, historienne de la photographie et co-commissaire de l’exposition. Des femmes photographes étaient là mais, à part quelques rares exceptions, on ne les voyait pas. » « Ni plus ni moins que dans d’autres domaines de la création », ajoute Mariko Takeuchi, également historienne de la photographie.

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Les dix photographes réunies pour Kyotographie sont révélatrices d’un regard différent porté sur les enjeux sociaux, l’écologie ou la souffrance, mais aussi sur l’intime et la sexualité, en se réappropriant la représentation du corps et du désir féminins. Une expérience personnelle a souvent été chez elles à l’origine de l’attrait pour la photographie, devenue l’instrument d’un récit tissé des événements d’une vie.

Evasion poétique

Dans les années 1990, le Japon connut un engouement pour le travail de jeunes photographes femmes. Une vogue, épinglée non sans condescendance par des critiques sous le vocable de « girlish style » (style fillette). « Ce regard sur les femmes photographes a évolué sans disparaître », regrette Noriko Hayashi, photographe documentaire qui met en avant la dignité humaine de ceux et celles qui vivent sur les franges des sociétés : enfants atteints du sida au Cambodge, femmes victimes d’enlèvements pour des mariages forcés au Kirghizistan (reportage récompensé au festival Visa pour l’image de Perpignan en 2013). Noriko Hayashi présente à Kyotographie les portraits de Japonaises parties avec leurs maris coréens en Corée du Nord dans les années 1950. Pensant y trouver une vie meilleure, elles se sont retrouvées en enfer. La photographe s’est rendue à plusieurs reprises dans le pays pour documenter leur histoire à travers des visages marqués et des photos jaunies.

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Source : Le Monde.fr

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